Samedi 8 septembre 2018

La marche organisée dans le monde entier par 350.org et à laquelle une initiative lancée par un anonyme à la suite de la démission de Nicolas Hulot a donné en France un retentissement beaucoup plus grand qu’annoncé : une foule dense et nombreuse qui surprend le Citoyen Lambda. D’après lui, plus proche des 50 000 estimé par les organisateurs que des 12 000 dénombrés par la police. Le simple rassemblement vers l’Hôtel de Ville s’est transformé en marche vers la République.
Il est enchanté par la diversité et l’inventivité des slogans :
Arrête de niquer ta mer
Les capitalistes vivent au-dessus de nos moyens
Et plein d’autres qu’il a oubliés.
Celui qu’il a trouvé le plus beau : « Et si nous battions des records de chaleur humaine ? », était brandi par une jolie brune à la peau sombre juchée sur les épaules de son copain, comme la fameuse égérie révolutionnaire de 68 photographiée par Gilles Caron. Lambda ne parvient à en prendre à l’arrachée qu’une photo surex mais à côté de lui, un photographe professionnel fait beaucoup mieux : la fille se tourne vers lui obligeamment pour qu’il puisse la prendre et il la remercie d’un sourire.

L’image de ces petites filles juchées sur les épaules paternelles, qui brandissaient fièrement à deux une banderole «Pensez à nous » ; mais, la lassitude venant, elles avaient appuyé la pancarte sur la tête de leurs pères, posé leurs mentons sur la pancarte et elles se chamaillaient un peu.
Beaucoup de ces slogans inventifs étaient écrits sur de simples pancartes en carton (comme celle de sa fille Graine-de-moutarde : « Marre de vos salades ! »). Mais très peu étaient repris par la foule, à part, dans le coin où ils ont décidé de marcher :
« Et un et deux et trois degrés
C’est un crime contre l’humanité ! »
scandé par un petit groupe plus organisé que les autres.
En arrivant à la manif, Lambda s’est dit : « Bizarre, une manif presque silencieuse ». Ce silence des voix contrastait avec le vacarme joyeux des slogans écrits sur les pancartes en carton. Toute cette énergie individuelles manquait de micros, d’amplis, de caisse de résonance, d’organisation collective. La multiplicité et la diversité de ces dizaines de milliers de désirs pressants d’agir et de se faire entendre, comment peut-elle se fédérer, s’organiser, parler d’une seule voix ?
Comment tous crier assez fort un message assez unanime pour obliger les décideurs à l’entendre, alors même qu’ils se bouchent les oreilles ?
Comment réussir à casser les oreilles de ceux qui n’ont aucune envie d’entendre ?

Cela aussi, c’est l’enjeu de l’année 2018.