Archives du mot-clé cinéma

KUNDERA EST MORT, VIVE MORETTI

12 juillet 23

Ulysse apprend la mort de Milan Kundera, à l’âge de 94 ans. Il n’a pas lu (peut-être à tort) les derniers romans, écrits directement en français et plus secs, même s’il a continué à les acheter rituellement. Mais il est triste de voir disparaître l’auteur de ses vingt ans, l’un des premiers à l’avoir fait rêver sur la maturité.

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MY MAN GODFREY

Adapté de 1101 Park Avenue, une nouvelle d’un certain Eric S. Hatch, ce film a été tourné en 1936 par Gregory La Cava. Celui-ci, après avoir été l’un des premiers animateurs de cartoon de l’histoire du cinéma, devint dans les années 20 réalisateur de comédie, resta au sommet dans les années 30 mais vit sa carrière sombrer dès les années 40 à cause de son anticonformisme, de son engagement social et… de son alcoolisme : bref, il aurait pu être l’un des personnages de son film.

La bande annonce originale :

Le début de Godfrey est génial :

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UNE JEUNE FILLE QUI VA BIEN

Samedi 5 février 22

Même quand, comme moi, on avait envie d’aller voir un autre film, il est difficile de ne pas tomber sous le charme d’Irène et de sa famille. Je dirais : tomber par surprise, alors que le thème est presque banal. Car Irène vit à Paris, dans les années 40 (accessoirement), elle est Juive (accessoirement), sous l’Occupation (accessoirement). Mais rien de tout cela ne lui fait peur. Ce n’est pas pour cela qu’elle s’évanouit souvent, sûrement pas, ni qu’elle se brouille la vue avec de fausses lunettes. Plutôt parce qu’elle prépare le concours du Conservatoire avec trop de fièvre et qu’elle vit ses premières amours avec trop d’intensité.

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MY SALINGER YEAR

Mardi 9 novembre 21

Le canadien Philippe Falardeau avait déjà raconté dan Guibord s’en va-t-en guerre, les aventures picaresques et tendres d’un député d’une province autochtone pris dans les manœuvres nationales du vote d’une guerre. Dans My Salinger Year il s’inspire du livre autobiographique d’une certaine Joanna Rakoff. Jeune poétesse obligée de trouver un job alimentaire pour survivre, elle engagée par l’agence qui détient les droits de l’ermite littéraire mythique, « Jerry » Salinger. On la charge de répondre par un message standard aux dizaines de lettres que l’auteur de Catcher in the rye continue à recevoir  depuis 1963 et auxquelles il ne répond jamais. Au lieu de les détruire, elle les lit. Et elle se met à rêver sur les auteurs de quelques-unes d’entre elles.

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DRUNK

Lundi 14 juin 21

Ces quatre hommes ne décident pas seulement de se mettre à boire pour obtenir le taux d’alcoolémie qui leur permettra de supporter leur ennui, ou de dépasser leurs inhibitions. Ils cherchent un moyen (pourquoi pas celui-là, plus dangereux mais plus rapide qu’un autre ?) de redonner de l’intensité à leur vie, une fois atteint les quarante ans, les cinquante, les soixante, le toboggan lent.

Le mari et la femme se retrouvent pour un week-end de randonnée au bord d’un lac. Ils se retrouvent sous une tente à faire l’amour. En se retrouvant, ils découvrent à quel point ils se sont manqués.

Il accepte de danser pour la première fois depuis des années. Il ne danse pas seulement pour fêter la réussite de ses élèves réunis autour de lui, mais pour dire adieu à son ami disparu, et pour dire bonjour à lui-même, qui était disparu et qui peut être retrouvé. Pour montrer qu’il peut être de nouveau gracieusement, pathétiquement aussi, mais souverainement, là. Cette danse ne peut pas s’arrêter court, par un banal salut. Elle ne peut que s’achever dans un saut de l’ange, qui serait un saut de l’homme.

En découvrant cette séquence finale, tes poils se hérissent, tu te dis que tu vois là l’un des plus beaux moments de cinéma de toute l’année 2020 ou 21 (tout s’est arrêté). Ou de l’histoire? Et qu’elle dit quelque chose d’évident et d’encore trouble sur ton état d’esprit, sur celui de beaucoup d’Européens, autour de toi. Ce comédien, Mads Mikkelsen, qui porte tout ça, qu’il ne pouvait pas encore savoir, sur ses épaules et qui le balance, est prodigieux.

Nous nous arrêtons ensuite dans un petit café-librairie au creux de la rue de l’Ecole de Médecine. Il fait doux. C’est le lieu et le moment idéal pour discuter de ce film de retrouvailles.

A retrouver cette scène, un an après, même émotion.

DARK WATERS

Samedi 29 février 20

C’est une scène très brève. Rob Bilot, l’avocat, se retourne et dit à sa femme, face à la caméra : «Le système est pourri de l’intérieur. On nous fait croire que le système nous protège, que l’État nous protège, que les lois nous protègent, mais c’est faux. C’est nous seuls qui nous protégeons nous-mêmes. Si nous ne le faisons pas, qui le fera à notre place ? Personne ! »

Todd Haynes et Mark Ruffalo nous le disent, face à la caméra, direct. A nous de garder ces phrases à la mémoire ou de les oublier. Et, si on ne les oublie pas, si on se dit que cette courte scène est comme la moralité amère d’une fable de La Fontaine (plusieurs viennent à l’esprit : « La raison du plus fort… », « Selon que vous serez puissant… »), qu’est-ce qu’on en fait, en sortant du cinéma ?

LA BELLE EPOQUE

Samedi 16 novembre 19

Après leur première vraie crise, c’est Alex qui reprend contact.

Il ne supporte pas de ne plus aller au cinéma avec Sarah (surtout quand, malgré le froid, elle met une petite jupe noire aussi ajustée) et il s’est montré prêt, pour une fois, à toutes les concessions nécessaires.

Notamment à aller voir La Belle époque, même s’il n’est pas en général très emballé par les films français, dont le scénario ne lui paraît jamais pleinement abouti. Il consent à aller voir celui-ci parce qu’il a conservé un bon souvenir de M et Mme Adelman. Il accepte aussi de retourner une deuxième fois dans la même salle, et ils se retrouvent à Odéon. Alors qu’il s’attendait à être déçu, il est emballé. Carrément emballé, il doit le reconnaître.

Pourquoi avoir pris autant d’incontestable plaisir à cette comédie ?

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