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ANGELS IN AMERICA

Vendredi 31 janvier 20
Comme d’habitude, la Comédie Française a placés les élèves en corbeille. Près de la scène mais tellement sur les côtés que l’on ne voit rien quand le jeu ne se situe pas au centre du plateau. Cette institution aurait-elle du mal à considérer qu’il faut installer dès aujourd’hui dans les meilleures conditions le public de demain ?
La mise en scène de Desplechin est intéressante mais elle ne provoque pas le même choc que la version de Brigitte Jaques il y a trente ans : l’impression de se trouver en face d’une œuvre qui exprimait la complexité de notre présent, et qui, par sa forme même (les split screens) parvenait à faire se rencontrer l’Histoire collective et l’histoire intime, les délires de l’anticipation politique et les hallucinations du mal d’aimer.

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Desplechin a beaucoup coupé dans le texte de la pièce-fleuve de Kushner, pour le réduire de moitié et le recentrer sur les relations amoureuses entre les quatre personnages principaux. Ca fonctionne mais ça ne bouleverse pas. Pourquoi ?

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I AM EUROPE

Vendredi 20 septembre 19

Dans le petit bar des Ateliers Berthier, on sert aux bobos comme Ulysse des sandwiches végétariens. Il s’est arrêté quelques instants pour boire une bière bio locale pas très goûteuse, et pour réfléchir au spectacle de Falk Richter auquel il vient d’assister. Il se demande : « Je l’ai aimé, ou pas ? Difficile à dire… ». Pour pouvoir répondre, il lui faudrait traverser le léger brouillard d’ennui qui s’est déposé à l’intérieur même de ce théâtre.

Debout à ses côtés, un couple de jeunes Scandinaves, estampillés tous les deux « blondeur et ouverture d’esprit authentiques », attendent quelqu’un avec une impatience palpable, qui fait presque sourire Ulysse, ou qui lui fait envie. Qui a la chance d’être attendu ainsi ?

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Entre les actes

Photo : Laurencine Lot

Ulysse a découvert il y a quelques jours avec une amie « Entre les actes », le dernier roman de Virginia Woolf, écrit en 1941, peu de temps avant son suicide, dans l’adaptation théâtrale que Lisa Wurmser a eu l’excellente idée d’écrire et de mettre en scène (et qui se donne actuellement au « Vingtième Théâtre »). C’est étrange de découvrir un roman au théâtre, surtout quand il concerne le théâtre.

L’intrigue se situe un après-midi de l’été 1939. Dans le jardin des Oliver doit avoir lieu la représentation d’une pièce de théâtre par des paysans (Ulysse apprend qu’elle est inspirée du Pageant, un genre populaire en Angleterre, mêlant des scènes et des intermèdes chantés pour retracer de manière plus ou moins naïve des épisodes de l’histoire du pays). A intervalles réguliers, un avion passe au dessus de la propriété rappelant aux villageois et aux bourgeois assemblés la menace de la guerre qui approche.

Le premier enjeu de cette adaptation d’un roman sur le théâtre, c’est bien sûr la mise en scène de ce « Pageant », qui permet à Virginia Woolf d’évoquer de manière parodique les fondements de la culture anglaise, depuis les pèlerins de Canterbury jusqu’à l’Empire victorien, en passant par l’époque élisabéthaine et les comédies libertines. On peut imaginer qu’en 1941, Woolf règle ses comptes avec le chauvinisme ambiant. Mais la mise en scène de Lisa Wurmser tire ces passages de « théâtre dans le théâtre » moins vers la dénonciation du nationalisme que vers le jeu avec tous les codes du théâtre comique. C’est un peu comme si on assistait à une variation moderne sur « Le songe d’une nuit d’été » (des paysans représentant devant des nobles une pièce naïve, qui, néanmoins, leur parle d’eux et dont le burlesque permet à Shakespeare  une réflexion sur le théâtre). C’est vif, farcesque, enlevé, chanté, les comédiens (dont Flore Lefebvre des Noettes, Nicolas Struve ou Gérald Chatelain) s’en donnent à coeur joie dans la fantaisie débridée. L’élégance des décors et des costumes ajoutent au plaisir.

 

Ulysse  a eu plus du mal avec le deuxième enjeu fort de l’adaptation : l’entrecroisement des monologues intérieurs des spectateurs assistant à cette représentation farcesque, notamment Isa Oliver (sorte de porte-parole de Virginia Woolf), et son mari, Giles, (qui s’apprête à oublier son angoisse de la guerre en la trompant avec une visiteuse de passage, aussi futile que sa femme est grave). Les deux comédiens ont eu plus du mal à entrainer Ulysse dans leurs tourments intérieurs (alors que Woolf semble introduire un rapport très intéressant entre la catastrophe sentimentale qui guette la femme et la catastrophe nationale qui panique l’homme, c’est à dire entre l’intime et le collectif).  Il faut reconnaître que leur partition est délicate. Comment exprimer l’intériorité au théâtre? Question redoutable. Cet entrecroisement de monologues, cette narration polyphonique donne une incroyable profondeur et, en même temps, une extrême fluidité aux romans de Woolf, notamment « Mrs Dalloway » (qu’Ulysse a relu l’année dernière et qui l’a bouleversé, la romancière lui ayant fait ressentir la radicale solitude de ces consciences mais aussi les moments fulgurants où chacune s’approche de l’autre jusqu’à presque, enfin, établir le contact). Ce procédé est, dans les romans, à la fois moderne et poignant mais il fonctionne plus difficilement au théâtre. Dispositif répétitif de ces comédiens qui se tournent vers nous pour monologuer, pendant que leurs partenaires sont censés garder l’immobilité absolue (il a d’ailleurs semblé à Ulysse qu’ils avaient du mal à le faire, ce qui est peut-être simplement un signe que l’effet est difficilement « tenable », surtout avec l’enchaînement des représentations). N’aurait-il pas fallu faire évoluer l’idée pour tenter de retrouver la souplesse du procédé romanesque (ce qui est beau chez Woolf, c’est que les personnages ne sont jamais seuls dans leur solitude, ils sont toujours tournés de manière intense vers le monde, auquel ils tiennent de toute leur sensibilité exacerbée, les hommes comme les femmes, et ils ne situent jamais exactement à la même distance intérieure l’un de l’autre)?

Ces réserves faites, on passe un très agréable et très intéressant moment de théâtre. Ulysse est particulièrement redevable à Lisa Wurmser et à son équipe, en ces temps de conservatisme frileux,de lui avoir rappelé la mélancolique et caustique audace de la romancière anglaise. Toujours aussi moderne, de plus en plus nécessaire.

Nadine Shah et le diable de la ville morose

 

Alors que paraît le second album de cette demoiselle Shah, Nadine de son prénom, Ulysse découvre (avec un an de retard) ces deux pépites, deux magnifiques versions de chansons du premier album, « Love your Dum and Mad ». En allant s’endormir après les avoir écoutées en boucle, se demande Ulysse, quel diable, quelle diablesse, dans quelle ville nocturne peut-on rencontrer en rêve? Il sera bien temps, demain, de chercher à en savoir plus sur cette étrange voix