Quand on fait une recherche sur les textes antiques qui nous parlent de la création de la Déesse nue, l’un des premiers personnages que l’on croise est un gros homme au souffle court, qui circule en chaise à porteurs dans les rues de Rome et du port de Misène. Il s’appelle Pline l’Ancien et il vit au premier siècle après JC (c’est à dire presque cinq cents ans après notre génial sculpteur).
Ce chevalier romain, après avoir passé sa jeunesse à lancer le javelot dans un régiment de cavalerie en compagnie de son pote Titus, le futur empereur, se prit de passion pour le savoir. Il devint obèse parce qu’il ne se déplaçait jamais qu’en chaises à porteur, non par paresse mais par goût de l’effort : ainsi, il pouvait continuer à prendre des notes sur les lectures que lui faisait l’un des esclaves commis à cette tâche (dans une lettre célèbre, Pline le Jeune raconte que son gros oncle lui reprochait de perdre son temps à se promener!). Même chose pendant ses repas. A côté de Pline, notre Gargantua a vraiment un petit appétit! Ce boulimique de lecture ne se distrayait de ses responsabilités administratives et militaires que pour écrire les 37 livres de sa Naturalis Historia. Dans les derniers tomes, consacrés à la minéralogie, il fit comme en passant une petite histoire de la peinture et de la sculpture, qui sont aujourd’hui nos principales sources sur ces deux arts dans l’antiquité. Il eut juste le temps de dédicacer son monument d’érudition à Titus avant d’aller observer l’éruption du Vésuve d’un peu trop près.
Dans le livre XXXIV, consacré aux métaux, en traitant des sculpteur qui ont travaillé ce matériau, Pline évoque brièvement, et avec une certaine vacherie, Praxitèle et l’héroïne de « La première femme nue », la trop belle Phrynè :
« Praxiteles quoque, qui marmore felicior, ideo et clarior fuit, fecit tamen et ex aere pulcherrima opera. (…) Spectantur et duo signa eius diversos adfectus exprimentia, flentis matronae et meretricis gaudentis. Hanc putant Phrynen fuisse deprehenduntque in ea amorem artificis et mercedem in uultu meretricis. »
« Praxitèle aussi, qui fut plus heureux dans le marbre, et par là plus célèbre, fit néanmoins de très belles oeuvres en bronze. (…) On peut voir deux statues de lui exprimant des sentiments divers : une épouse en pleurs et une courtisane en joie. On pense que cette dernière est Phrynè. L’on prétend saisir dans la statue l’amour de l’artiste et celui de l’argent dans l’expression de la courtisane. »
Mais c’est surtout dans le livre XXXVI, consacré aux pierres, où il traite des sculpteurs ayant travaillé le marbre, que l’Encyclopédiste latin évoque la création de la mythique Cnidienne…