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LETTRE OUVERTE A MADAME SNCF DE LA PART d’UN CYCLOTOURISTE EN COLERE

Pontorson 31 juillet 19

Chère madame SNCF

Je sais que tu es une vieille dame respectable : tu as été conçue dans l’euphorie du Front Populaire (où les mots « service public » voulaient sûrement dire quelque chose d’exaltant) et tu t’es chargée pendant des décennies de conduire vers leur boulot, leurs affaires, leurs amours, leurs vacances des dizaines de millions de mes concitoyens, sur tes petites et sur tes grandes lignes. Pour tout ça, tu as mon affection et mon respect.

Mais, en ce mois de juillet 2019, je te le dis carrément, tu m’emmerdes (et je ne suis manifestement pas le seul). 

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LA VELOSCENIE : DE NOGENT AU MONT SAINT-MICHEL

27-31 juillet 19

Nogent-le-Rotrou-Le Mêle sur Sarthe

Sur la Voie Verte vers Alençon

Journée délicieuse : la température est tombée et la « voie verte » qui suit le parcours d’une ancienne voie ferrée sur 70 kilomètres, de Rémalard jusqu’à Alençon, est particulièrement agréable.

Le soir, nous poussons jusqu’au petit camping paisible de la Mêle sur Sarthe, « La Prairie », qui donne sur une base nautique où nous nous pouvons nous baigner.

Le plan d’eau du Mêle sur Sarthe

Pendant que certains écrivent au bord du plan d’eau, une autre peint une aquarelle. Et le dernier savoure les yeux grand ouverts le bonheur de cette journée, en se demandant ce que doit ressentir l’un des oiseaux qui planent au-dessus de nous.

Le Mêle sur Sarthe-Alençon

Une ½ étape, pour faire un peu de tourisme.

Mais Alençon est une ville gentiment morte en ce dimanche de juillet.

Nous finissons par dégoter un resto ouvert, « L’oriental », à la déco inspirée de Delacroix kitchissime ; mais nous rigolons bien avec le serveur, un jeune rebeu qui arbore une coiffure « plusieurs-couleurs » de joueur de football et s’entraîne au marathon en servant à lui tout seul une trentaine de couverts. Comme nous l’applaudissons pour sa dextérité à servir le thé à la menthe, il nous ressert fissa des pâtisseries en même temps qu’un clin d’oeil.

Plus personne dans les rues piétonnes à 22h. Peut-être qu’un autre jour de la semaine d’un autre mois d’une autre année Alençon ressuscite ?

Alençon-Bagnoles de l’Orne, en train.

Nous sommes en retard, et l’étape promet d’être dure à certains de nos petits mollets. D’où nouveau périple ferroviaire. Lors de notre deuxième changement, nous découvrons qu’il n’y a plus de train qui va vers Bagnoles (le jeu de mot ne nous fait pas du tout rire). Il faut prendre un car. Nous envoyons parlementer avec le chauffeur notre spécialiste en relations humaines et il finit par accepter, comme son collègue d’Illiers, de nous charger avec nos cinq vélos. Mais c’est quand même bizarre : le car a l’air d’être bien rempli. Beaucoup d’essence consommée, de CO2 envoyé dans l’atmosphère, à une époque où je croyais que, précisément, il serait bon que notre pays, comme les autres, fasse le contraire…

Bagnoles de l’Orne-Mortain.

Parcours sur une « voie verte », très facile.

Le midi, nous montons à Domfront, joli village médiéval accroché au flanc d’un château. Alors qu’il était encore perdu au milieu des forêts de cette région-frontière, des générations de comtes, de ducs, de rois de France et d’Angleterre y perfectionnèrent pendant des siècles les moyens de se taper sur la gueule, Aliénor d’Aquitaine y donna une grande fête pour le baptême de sa fille, et un certain Chrétien de Troyes y rêva son Lancelot : dans ces ruines encore pleines des fureurs des siècles passés, on peut aujourd’hui faire la sieste.  

A un moment de l’après-midi, nous nous rendons compte que, ça y est, nous sommes en Normandie : devinez un peu pourquoi !

Le soir, grimpette terrible (tout le monde met pied à terre sauf notre champion, Olaf-le-Viking, qui se hisse en haut à force de zig-zag) jusqu’à Mortain, sinistre village de granit sombre, entièrement reconstruit après les combats de 1944. Petit camping bondé. Atmosphère de tempête. Demain, pour notre dernier jour de vélo, l’orage approche : il veut que nous méritions la Merveille !

Mortain-Le Mont Saint Michel

1ière partie du parcours jusqu’à Pontaubault très facile.

Après le pique-nique, ça se corse. Nous roulons contre un vent pervers (qui apparemment se concentre sur l’une d’entre nous) et le parcours accumule les faux plats. Mais en point de mire, nous avons le Mont.

Nous parvenons au camping « Aux Pommiers » de Beauvoir, où nous avons été bien avisés de réserver un « tithome » (c’est une sorte de mixte bizarre entre la tente et le mobil home). Un quart d’heure après notre arrivée, les orages annoncés commencent à tomber. Heureusement, nous sommes à l’abri!

Dîner de fin de rando bien mérité au restaurant « Le pré salé ».

Puis visite de la Merveille tard le soir entre deux averses. Nous sommes les derniers visiteurs à y être admis et l’atmosphère est magique, même si la nuit déjà tombée sur la terrasse dissimule le paysage somptueux de la baie le soir, qui m’avait submergé lorsque je l’avais découvert il y a deux ans.

Le scriptorium

Le son et lumière est moins kitsch que le précédent : malgré quelques projections d’œuvres saint-sulpiciennes, il se contente de mettre en valeur l’architecture, et je préfère (j’aurais juste rajouté quelques murmures mystérieux dans les coins pour faire vivre l’histoire du lieu).

Au moment où nous pénétrons dans l’église, Mozart, le début du Requiem.

Plusieurs siècles de distance et pourtant la sensation d’un accord miraculeux, comme si cette musique-là avait été écrite spécialement pour ce lieu-ci -et peut-être même pour cette minute précise, à laquelle je ne suis invité que par hasard, par erreur sans doute, ou par une grâce imméritée. J’ose à peine m’avancer. Les deux ou trois autres visiteurs, dont une Japonaise, restent comme moi : saisis et, à la fois, transportés.

La Merveille à une heure où elle mérite pleinement son nom

Le lendemain, c’est le retour.

Le retour au réel et aux galères de la SNCF, de plus en plus (in)fidèle à elle-même.

ESCAPADE AU MONT SAINT-MICHEL (PAR LA VELOSCENIE)

Du lundi 22 juillet au mercredi 31 juillet 19

9 jours de vélotrip.

J’adore cette façon de voyager (qui me fait penser à certaines des pages les plus délicieuses de La force de l’âge de Beauvoir). On parcourt plus de distance qu’à pied, on traverse des villes et des petits coins de campagne, on alterne l’effort physique et les visites culturelles, les campings et les hôtels, les petits déjs à même le sol et les restaurants, les étapes de cinquante kilomètres et les jours de repos, on voit changer les paysages, on fait des rencontres.

D’avoir effectué ces neuf jours de randonnée à travers la canicule, puis l’orage, avant de trouver la douceur, et de finir par une dernière journée venteuse d’orage en arrivant au Mont Saint-Michel, a rendu le périple plus sportif que prévu. Cela nous a obligés à nous adapter, à être attentifs à la météo, à raccourcir ou allonger nos étapes, guetter les coins d’ombre et les fontaines, surveiller les nuages, fréquenter aussi les piscines, réserver dans des hôtels ou des bungalows pour ne pas être mouillés, nous ménager une journée de repos incongrue et finalement salvatrice, prendre le train et même le car (à cinq vélos !), pour finalement atteindre notre but.

Improviser, optimiser, nous adapter. Curieusement, cela m’a paru être en lien avec le travail d’écriture romanesque, la façon au moins dont je le conçois. Encore un pont entre ce blog et la fiction.

Et puis (malgré, hum, la dispute du premier jour) ça a été génial de le faire à cinq.

Et de remplir chacun à notre tour le journal d’aventure. C’est moi qui y ai le moins bien écrit.

PS pratique : nous avons préparé la rando à partir du site hyper complet de la Véloscénie. Sur place, outre l’appli « Géovélo », nous nous sommes servis de l’excellent guide papier de Michel Bonduelle, publié aux éditions Ouest France, qui propose des cartes, un descriptif précis des étapes et, pour chaque étape, des adresses acceptant les vélos où nous avons été très bien accueillis. En ce mois de juillet 2019 où nous l’avons parcouru, l’itinéraire était encore peu fréquenté, ce qui lui rajoute encore du charme.

ESCAPADE A PORT-ROYAL DES CHAMPS

14 juillet 19

La ballade commence à la sortie du RER Saint-Rémy lès Chevreuse (enfin une station bien adaptée pour les vélos!).

Après avoir grimpé (tant bien que mal ) la côte vers les ruines du Château de la Madeleine, nous progressons à travers bois sur l’idyllique « Chemin Jean Racine » : il suit sur une dizaine de kilomètres l’itinéraire que parcourait le jeune Jean (à pied ou à cheval ?), entre l’Abbaye de Port-Royal des Champs et le Château de la Madeleine, dont son cousin, intendant du duc de Luynes, l’avait chargé de surveiller les travaux.

Peut-être dans ces bois se récitait-il les passages d’Euripide ou des Ethiopiques qu’il apprenait par cœur, en se cachant de ses chers maîtres jansénistes, parce que ces œuvres parlaient d’amour ? Peut-être sur ces chemins si français rêvait-il déjà aux paysages de la Grèce où ses amoureuses allaient bientôt brûler des passions les plus coupables ? Le brillant jeune homme a écrit des odes à ces paysages :

« Saintes demeures du silence
Lieux pleins de charmes et d’attraits »

et ce qui m’amuse, c’est que les vers cités sur le chemin sont dignes d’un sous-préfet aux champs. Dans une lettre de la même période, il confie en prose : « Ici, il n’y a que des gueux et je vais au cabaret trois fois par jour. ». Où est l’accent le plus sincère, où est la vérité de notre futur génie, dans l’ode ou dans la lettre ?

Nous parvenons enfin aux ruines de l’abbaye. Nous montons jusqu’à la ferme, où les Solitaires se replièrent pour laisser la place aux sœurs, et où ils firent construire le bâtiment modeste des Petites Ecoles et un verger.

En ce jour de fête nationale, où la République fait défiler sur les Champs-Elysées les plus coûteux de ses gadgets technologiques en matière d’armement (tiens, une idée qui me passe par la tête, si l’année prochaine nous innovions vraiment, en faisant défiler nos dernières dépenses en matière de paix, de science et d’art?), le musée désuet consacré aux Solitaires est totalement désert, hanté seulement par un gardien fantomatique.

On y trouve des portraits sombres de religieux austères exécutés par Philippe de Champaigne, une reproduction de la machine à calculer de Pascal et une autre de son masque mortuaire.

Racine, âgé de 17 ans, était encore là, en 1656, lorsque Pascal y séjourna pour achever dans la fièvre ses Provinciales. Se sont-ils parlés au moins une fois sérieusement ? Et pour s’y dire quoi, qui nous intéresserait encore aujourd’hui ?

C’est si difficile, dans ce calme, d’imaginer qu’une poignée d’intégristes, de professeurs et de religieuses aient pu inquiéter à ce point le pouvoir royal et les autorités que ces derniers n’aient eu de cesse de faire détruire cette abbaye retirée . Si difficile de se représenter les tempêtes idéologiques qui se déchainaient sous les crânes dans la France catholique et royale : elle est si éloignée de nous aujourd’hui.

Non, ce qui reste de vivant, de présent, c’est le calme.

Ou bien l’agitation des tragédies profanes de Racine, qu’il a écrites contre ses maîtres et qu’il a reniées ensuite pour leur complaire. Etonnant de se dire que cet écrivain génial a renoncé au théâtre pour consacrer les vingt dernières années de sa vie à deux œuvres sans intérêt : une histoire officielle du règne de Louis XIV, dont tout le monde se contrefoutrait même si elle n’avait pas été perdue dans un incendie, et un Abrégé de l’Histoire de Port-Royal, qu’on a retrouvé après sa mort soigneusement dissimulé dans ses manuscrit mais dont tout le monde aujourd’hui se contrefout. La seule chose qui me touche, c’est que ce courtisan soit revenu à ses maîtres alors qu’on les persécutait.

Les idées s’évanouissent, la politique et la théologie. Ce qui ne vieillit pas, c’est la passion, l’amour, la haine, la chute, la fidélité.

Ce qui reste des idées qui se sont élaborées en ce lieu, ce sont les vibrantes Pensées. Heureusement que Pascal n’a pas eu le temps de les noyer dans la monumentale Apologie de la Religion Chrétienne qu’il projetait et que plus personne aujourd’hui ne lirait.

Les systèmes meurent, restent les fragments. Reste le vertige, qui pousse à les rêver. Reste « le silence éternel de ces espaces infinis » qui continue à nous effrayer.

Restent les humbles « Cent Marches », au bord desquelles oublier le vertige cosmique et se faire une petite halte peinarde. Les Solitaires les descendaient chaque jour pour aller à l’église et les remontaient en se mortifiant, nous nous contentons de nous allonger dans l’herbe. Et de nous partager un « Kit et Kat » datant de 1656.

Moment de calme hors du temps, avant de reprendre nos bécanes et de replonger dans le 21ième siècle.

Au retour, nous trouvons la Véloscénie, qui nous permet d’éviter la route nationale en empruntant des itinéraires de traverse. Pour nous remercier de notre visite, les Solitaires ont permis à Racine et Pascal de nous raccompagner en vélo jusqu’au RER.

PARIS MULTIMERDAL

Samedi 27 avril 19

Nous écoutons les représentants de la nouvelle génération qui nous vantent le multimodal comme le nouveau moyen de circuler en ville. Donc vélo et transport en commun, dans le RER B jusqu’à Châtelet puis RER A jusqu’à Vincennes. Arrière des rames un peu petite même pour une seule bécane, alors tu parles pour deux ; autres passagers qui font la tronche ; vélingue lourdingue qui se casse la gueule dans les escalators et qui tient à nous faire plonger avec lui dans le ridicule.

Le déplacement multimodal en région parisienne tient encore du parcours du combattant et de l’acte de militantisme.  

On pourrait peut-être, je ne sais pas, commencer par réserver entièrement un wagon dans chaque rame du RER ? Ou bien c’est trop demander ?

Il paraît que les travaux du Grand Paris sont vraiment lancés : est-ce qu’ils vont y penser, ou bien est-ce qu’ils vont faire en sorte que tout le monde soit obligé de venir en voiture prendre les nouveaux métros ?