Même quand, comme moi, on avait envie d’aller voir un autre film, il est difficile de ne pas tomber sous le charme d’Irène et de sa famille. Je dirais : tomber par surprise, alors que le thème est presque banal. Car Irène vit à Paris, dans les années 40 (accessoirement), elle est Juive (accessoirement), sous l’Occupation (accessoirement). Mais rien de tout cela ne lui fait peur. Ce n’est pas pour cela qu’elle s’évanouit souvent, sûrement pas, ni qu’elle se brouille la vue avec de fausses lunettes. Plutôt parce qu’elle prépare le concours du Conservatoire avec trop de fièvre et qu’elle vit ses premières amours avec trop d’intensité.
L’artiste en sentinelle : il se tient debout à la frontière entre le monde extérieur, hostile, et son propre territoire intérieur, qu’il doit protéger sans le connaître. Dans ce spectacle vu hier soir au Théâtre 71, Jean-François Sivadier adapte Le Naufragé un roman de Thomas Bernhard qu’il a découvert il y a vingt ans.
Mathis est un pianiste mondialement célèbre retiré volontairement de la scène après y avoir été acclamé. Raphaël l’invite à une master class dans la petite école de musique qu’il dirige. Swan a disparu. On les revoit lors de leur rencontre, adolescents. Puis recevant l’enseignement d’un maître énigmatique. Enfin en train de passer un concours à Moscou.
Pendant ces dix jours d’isolement, où 2021 se prolonge, j’ai écouté cet album miraculeux des retrouvailles d’Arab Strap en boucle. Et aujourd’hui où il s’achève, je ne peux m’ôter cette chanson de la tête.
Un dernier voyage hypnotique dans « le train en marche » de la vie, un retour de nuit qui n’est qu’un aller, plein de signes, de symboles, de rencontres ratées mais poignantes, et le diable, peut-être, pour vous accueillir familièrement dans le wagon bar.
Cette bande annonce est un peu trop positive thinking. Les trois premiers épisodes de la série m’ont frappé surtout par leur côté anxiogène. La vie quotidienne d’Alex, obligée de faire des ménages pour élever seule sa fille et échapper à son mari violent, mais aussi se libérer de sa propre propension à retomber dans le cercle infernal d’une relation toxique, devient plus stressante qu’un film catastrophe : la jeune femme est obligée de déployer pour s’en sortir seulement les mêmes qualités qu’il en a fallu depuis cent ans aux autres héros de série pour sauver le monde ou gouverner toutes les Espagnes. Ce faisant, mine de rien, la série (et sûrement le témoignage dont elle est inspirée) explore des aspects peu reluisants de la société américaine. Alex réussira sans doute à s’en sortir avec sa petite Maddy mais elle l’aura bien méritée !
Le canadien Philippe Falardeau avait déjà raconté dan Guibord s’en va-t-en guerre, les aventures picaresques et tendres d’un député d’une province autochtone pris dans les manœuvres nationales du vote d’une guerre. Dans My Salinger Year il s’inspire du livre autobiographique d’une certaine Joanna Rakoff. Jeune poétesse obligée de trouver un job alimentaire pour survivre, elle engagée par l’agence qui détient les droits de l’ermite littéraire mythique, « Jerry » Salinger. On la charge de répondre par un message standard aux dizaines de lettres que l’auteur de Catcher in the rye continue à recevoir depuis 1963 et auxquelles il ne répond jamais. Au lieu de les détruire, elle les lit. Et elle se met à rêver sur les auteurs de quelques-unes d’entre elles.
La vision ironique que se fait James Blake de la célébrité et de sa perte. J’aime bien le contraste entre l’élégante mélancolie de la chanson, que j’écoute en boucle depuis plusieurs jours, et l’auto-dérision du clip, que je découvre ce soir.
Margaret Atwood y parle de son journal qu’elle tient régulièrement. En relisant la période concernant l’écriture et la publication de son roman, elle constate avec humour qu’elle y trouve des « pleurnicheries » habituelles d’écrivain épuisé par le labeur mais aucune réflexion sur la structure ou les intentions du chef d’oeuvre qu’elle est en train de créer. Elle n’a pas besoin de s’interroger sur ce qu’elle écrit tant elle est sûre d’elle-même.
Mais, quelques pages plus loin, elle évoque les trois choses qui l’ont longtemps intéressées et « qui se sont assemblées durant l’écriture de ce livre ». Je suis frappé par cette phrase : ces intérêts esthétiques, politiques, sociaux, ils s’assemblent d’eux-mêmes, sans peut-être que l’autrice en soit tout à fait consciente, dans le processus d’engendrement du texte qui lui paraît pourtant si évident qu’elle ne l’interroge pas sur le moment.