Archives du mot-clé politique

LA CONFUSION DES LUTTES

Samedi 21 septembre 19

Le Citoyen Lambda n’a pas pu participer à la marche pour le climat : il avait, nous dit-il, « un rendez-vous urgent avec lui-même » (au terme d’une rapide enquête, nous découvrons que c’est ainsi qu’il appelle faire une sieste).

Il avait demandé de le représenter à sa fille, Graine-de-moutarde, et à ses trois amies, en leur recommandant d’être prudentes, car il avait lu que 7500 policiers seraient lâchés dans les rues.

Des participants à la marche pour le climat à Paris, le 21 septembre 2019
Photo Zakaria ABDELKAFI. AFP
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LES FURTIFS (2/4) : LA GUERRE DE L’IMAGINAIRE

Si Les Furtifs m’a autant marqué, c’est qu’il s’inscrit dans ma recherche des utopistes d’aujourd’hui (ceux qui oseraient nous permettre de dépasser les clichés de la dystopie) : Damasio ne se contente pas de l’évocation d’un cauchemar soft, où les data des multinationales et des états auraient remplacé le télécran de Big Brother, il propose la description tumultueuse d’ilots de résistances en plein cœur des ville ou sur les bords de la Méditerranée.

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L’ILLUSION DE L’ECOLOGIE CENTRISTE?

Vendredi 14 juin 19

Cette impertinente de Léa Robinson me signale la chronique de Piketty parue la semaine dernière dans « Le Monde » : « Vu son titre, elle t’intéressera. Et surtout, n’oublie pas de la faire lire à ton copain Lambda ! »

J’ai vu Lambda hier devant un spritz (lui en reste à la vieille bière, parce qu’il n’aime pas les bobos, ni leurs apéritifs).

Il avait lu la chronique le jour de sa parution parce qu’à la différence de moi, il s’intéresse sérieusement à la politique : « Je ne te cache pas que c’est un article qui me fait réfléchir. D’ailleurs, Piketty n’est pas le seul. Plusieurs autres personnalités que j’estime sont en train d’exprimer la même position.

Par exemple, j’ai écouté François Ruffin sur France Inter il y a quelques jours : il a parlé de la nécessité pour l’écologie de marcher sur ses deux jambes, la jambe verte de la lutte contre le dérèglement climatique mais aussi la jambe rouge de la lutte pour plus de justice sociale. Ruffin a dit aussi : il faut consommer moins et redistribuer mieux. Chacune de ses formules m’est allée droit au cœur, à tel point que j’ai failli arrêter ma voiture le long de l’A86 pour pouvoir pleurer à mon aise. »

Je connais bien Lambda : quand il se laisse aller au sarcasme, c’est qu’il est sincèrement troublé.

Il a continué : « Je suis aussi entièrement d’accord avec l’analyse féroce que fait Piketty du macronisme, comme émanation de « la droite libérale et pro-business ». Idéologiquement, ces gens-là ne sont rien. Du vent. Les écolos ne doivent donc évidemment pas se laisser attirer par les promesses d’un acte II du quinquennat plus vert et plus social : ce n’est que du pipeau, et Edouard Philippe n’est d’ailleurs pas un flûtiste assez habile dans les ornementations vertes pour arriver à charmer son auditoire. Sincèrement, je ne crois pas que les écolos soient tentés de s’allier avec les libéraux.

 « Donc idéologiquement je partage tout à fait l’analyse de Piketty : il faut être à la fois écologiste et redistributeur.

Le problème, c’est que s’allier avec la gauche, ce n’est pas que s’allier avec les principes de la gauche. C’est aussi s’allier avec les partis de la gauche. Et c’est là que les emmerdements commencent.

Tu ne trouves pas que Piketty, dans sa chronique, est presque aussi sévère avec les petites chapelles de la gauche française qu’avec la grande cathédrale vide du macronisme ? Des chapelles de plus en plus minuscules et de plus en plus rageusement accrochées à leur grand prêtre et à leur dogme respectifs ? Ras le bol de tout ça ! Les Insoumis n’ont-ils pas été décevants depuis deux ans ? Quant aux sociaux-démocrates, qu’on appelait autrefois les socialistes, qu’ont-ils fait d’autre, quand ils étaient au pouvoir, et ils l’ont été pendant longtemps, que du libéralisme ?

Moi qui me dis de gauche, je peux comprendre que les écolos ne soient pas très motivés à l’idée de passer les années suivantes empêtrés dans ce que Piketty appelle « le combat de coqs ». A lire la deuxième partie de sa chronique, tu n’as pas l’impression qu’il aurait pu la titrer : « la nécessité de l’écologie centriste » ?  

Bref, on pourrait discuter encore longtemps. Le problème, c’est qu’il y a urgence. Pour moi, l’écologie est fondamentalement de gauche, elle ne doit surtout pas l’oublier, mais elle doit aussi maintenant se donner les moyens d’arriver au pouvoir, pour commencer à transformer la société (ce qui ne pourra se faire en démocratie que par étapes). Alors les partis de gauche doivent accepter de se ranger modestement (tu imagines, Mélenchon modeste ?) derrière la bannière écologiste et les écolos doivent chercher aussi à gagner la bataille du centre.

Union sacrée et changement de modèle.

A ta santé !

Tiens, tu pourras recommander à ton amie Léa de lire « Tout doit changer », les réflexions de David Cormand à la suite de l’élection européenne, qui sont presque aussi intéressantes que celles de Thomas Piketty… »

LE SEUL VERITABLE ENJEU

Dimanche 26 mai 19

En France, aux élections européennes, les libéraux et les extrémistes de droite se disputent la préséance. Pour les uns, le seul véritable enjeu reste la croissance économique (comme dans les décennies précédentes), pour les autres, c’est la souveraineté nationale (même s’ils l’ont trahie dans le siècle précédent).

« Heureusement, dis-je au citoyen Lambda, les écologistes font une percée! C’est ce que tu voulais et c’est plus qu’encourageant! »

-Oui, me répond-il, mais ils ne sont toujours que la troisième force en France, la quatrième en Europe, et il est déjà bien tard.

-Tu râles tout le temps!

-Je ne râle pas : j’écoute, je regarde, je m’informe.

J’entends dire que, pendant ce temps, les ultra-riches du bloc capitaliste se font construire dans les coins les plus sauvages de la Nouvelle-Zélande des « doomsday bunkers » de luxe, pour échapper non seulement aux bouleversements climatiques mais aussi aux masses des anonymes qui, après les avoir laissés dérégler le climat, auront, c’est bien normal, à subir les conséquences de leur aveuglement.

C’est ce qu’Al i Baddou, rappportant le documentaire de Vice, qui lui-même prolonge un article du New Yorker, appelle une « assurance apocalypse ».

Ce qu’on pourrait appeler aussi la théorie du « non-ruissellement », où les ultra-riches se donnent les moyens de passer entre les gouttes des déluges qu’ils ont provoqués, tandis que les ultra-pauvres et les lambdas comme toi et moi finissent noyés.

Ou bien le syndrome de Noé : non pas le dernier des hommes justes mais le premier des capitalistes.  

Pendant ce temps, les ultra-riches qui sévissent dans le bloc communiste se font construire des bulles pour isoler leurs écoles internationales, leurs résidences et leurs clubs de sport du mori-kongqi, « l’airpocalypse », que les pékins pékinois de base sont obligés de respirer.

Donc, je ne râle pas, conclut Lambda, je me demande simplement s’il ne vaut pas mieux faire confiance aux ultra-riches de tous les bords qu’aux résultats des élections démocratiques pour savoir où se situe le seul véritable enjeu.

LE CLIMAT AVANT LE CLIVAGE

Vendredi 24 mai 19

A la suite de mon précédent billet, mon amie l’historienne Léa Robinson m’envoie un article sur la stratégie de Jadot : «Dites donc, vous deux, qui êtes comme moi de gauche, cela ne vous pose pas un problème que Jadot se veuille au centre ? »

Je me suis empressé de le faire lire à Lambda pour voir ce qu’il allait dire. Il a réfléchi et m’a répondu : « Oui. Bon. Et alors ?

-Comment ça, et alors, enfin, la gauche !

-D’abord, soyons cohérent : s’il y a urgence climatique, elle l’emporte largement sur la nécessité du clivage politique.

-C’est vrai.

-Ensuite, on ne va pas se plaindre de voir les écolos sortir de leur petite chapelle et tenter de s’installer en force au centre du jeu politique.

-Pas faux.

-Enfin, si nous voulons vraiment que la société française fasse sa conversion, étant donné que la démocratie ne nous offre pas de moyen radical de supprimer tous les gens du centre et tous les gens de droite, il va peut-être falloir s’adresser à eux aussi, non ?

-J’ai bien l’impression que si.

-C’est un enjeu qui dépasse les Européennes : l’écologie doit prendre le pouvoir avant qu’il ne soit trop tard ; la gauche à elle toute seule est-elle capable de le lui permettre ?

-J’ai bien peur que non.

-Donc, il faut en tirer les conclusions. Pour toutes ces raisons, moi qui me targue d’être de gauche, je suis prêt à voter pour un écolo qui se veut au centre. Ne serait-ce que pour le laisser aller au bout de cette stratégie et voir si elle fonctionne. A charge pour nous, ensuite, les gens de gauche, de peser suffisamment fort à l’intérieur de l’écologie pour qu’elle n’oublie pas que la fin du monde se joue à chaque fin de mois. 

-Là, d’accord !

Il a ajouté : « Et puis, imagine, mon pote, si jamais Jadot fait un bon score dimanche soir, ce sera quand même plaisant que les journalistes ne puissent pas se gargariser uniquement du mano a mano des deux ringards et de l’éparpillement de la gauche ?

-Oh la pauvre…

-Oui, la pauvre gauche, que j’aime autant que toi mais dont je ne finis plus de me demander si elle est la plus intelligente ou la plus bête du monde. Peut-être les deux? »

A QUOI BON ALLER VOTER DIMANCHE?

mercredi 22 mai 2019

« Hein, à quoi bon, ai-je demandé à mon ami, le citoyen Lambda, puisque l’élection européenne se résume déjà à un futur record d’abstention et à un duel entre Le Pen et Macron ?

Et je crois bien avoir entendu à la radio ce pauvre Jadot (à moins que ce ne soit l’autre Wauquier) en être réduit à évoquer la victoire inespérée du petit Rennes sur le puissant PSG dans les dernières minutes de la finale de la Coupe de France pour garder une raison d’espérer : tu ne crois pas que, quand un écolo se met à parler foot, c’est que ça va très très mal ? »

-Tu as bien raison, m’a répondu Lambda avec un petit sourire. C’est pourquoi je vais faire exactement le contraire ! Que la majorité de mes contemporains se méfie de l’Europe m’incite encore plus à lui déclarer mon attachement indéfectible. Que la majorité de mes contemporains néglige son droit de vote est une raison supplémentaire de l’exercer.

Mais que l’on ne compte pas sur moi pour me laisser prendre au piège entre le libéralisme pseudo-moderne et le nationalisme vraiment ringard.

Je vais me payer le luxe de ne pas voter contre mais pour. Pour ceux qui, depuis des décennies, prêchent dans le désert les vrais enjeux de ce début de millénaire. Ceux à qui seul le réel (et jamais le résultat des élections) est en train de donner terriblement raison. Et je m’en fiche si je suis le seul ! »

Allez, ne t’inquiète pas, mon Lambda, on sera deux à espérer une remontada de Jadot !

« ICI, A LA PITIE-SALPETRIERE, ON A ATTAQUE LE CERVEAU D’UN MINISTRE »

Jeudi 2 mai 19

Le citoyen Lambda se demande si ce pauvre M. Castaner, en qui il avait jusque là toute confiance, n’est pas la principale victime de ce 1er mai 2019 sous haute tension.

Le ministre de l’intérieur, sous le coup d’une émotions sincère, a tweeté mercredi à 21h 04 : « Ici à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger. Indéfectible soutien à nos forces de l’ordre : elles sont la fierté de la République. ».

L’AFP mentionne même une attaque « par des dizaines de militants anticapitalistes d’ultragauche black blocs» (n’en jetez plus ).

Aussitôt certains médias comme France Info en rajoutent dans la dramatisation en illustrant la prétendue attaque de l’hôpital par une photo de deux casseurs masqués…

qui se révèlera prise devant un commissariat (bravo l’éthique journalistique !).

Et notre naïf citoyen Lambda de croire son ministre : « Ces blacks blocs, se dit-il en se couchant, attaquer un hôpital, mais il faut vraiment être des cons ! »

Mais c’est lui, mon Lambda, qui découvre dès le lendemain qu’il a été un con de croire à cette fake news ministérielle. Plusieurs vidéos révèlent que « l’attaque » était plutôt le fait de manifestants affolés qui cherchaient à échapper à des lacrymogènes lancés par la police.


Image extraite de la vidéo filmée le 1er Mai depuis le service de réa de la Pitié-Salpêtrière et diffusée sur Facebook par un membre de l’équipe.
Captures vidéo Nejeh Ben Farhat

Lambda jure un peu tard qu’on ne l’y prendra plus : « Le soir où M. Castaner nous annoncera le résultat d’une élection, me demande-t-il, ce sera peut-être plus prudent d’attendre le lendemain matin pour aller voir les vrais résultats sur facebook ? »

Les adversaires politiques s’en donnent toute la journée à cœur joie. En tant qu’amateur de beau style, Lambda goûte particulièrement la saillie du porte-parole des députés communistes, Sébastien Jumel : «M. Castaner se sert de la parole ministérielle comme d’un LBD. Mais par Pitié-Salpétrière que le ministre garde son sang-froid, tienne des propos mesurés sur des infos circonstanciées et arrête de dégoupiller des grenades verbales d’enfumage politique. ». Rien de tel qu’une métaphore filée pour dégonfler un ballon de baudruche ?

Mais l’affaire paraît à mon Lambda assez symptomatique du climat actuel et d’une certaine façon de gouverner : un ministre qui pense que sa fonction consiste à dramatiser à outrance le conflit social (la République contre les blacks blocs), à gazer la CGT (le secrétaire général de la CGT, qui nous dit que ce n’est pas un black bloc ?), à ne pas laisser d’échappatoire aux manifestants pris dans la nasse (et si jamais parmi eux il y avait des blacks blocs ?), et enfin à exprimer ses émotions à chaud en dégainant le tweet plus vite que son ombre (vite, shootons les blacks blocs). Lambda déteste les blacks blocs mais il se demande s’ils ne sont pas en train de réussir leur coup le plus fumant : attaquer le cerveau du ministre de l’intérieur ?

Evidemment, cet usage inconsidéré du 140 signes revient dans la figure du représentant de la République, puisque, désormais, les évènements sont filmés en direct, postés sur d’autres réseaux sociaux, et qu’on ne peut plus tout à fait raconter n’importe quoi. Facebook pour démentir la parole ministérielle, me demande Lambda, ce n’est pas le monde à l’envers, ça ?

Mon pote ne sait plus quel homme d’état avait fulminé en son temps : « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule !» (moi je crois que c’est Chevènement mais je ne suis pas très sûr.). M. Castaner ne devrait-il pas méditer sur les applications nouvelles à donner à cette formule choc ? Un ministre de l’intérieur, éructe Lambda, ça ferme sa gueule et son smartphone tant que ça n’est pas sûr de son fait. Parce qu’un ministre de l’intérieur, ça doit plus qu’un autre garder son sang-froid et être le garant des informations officielles sur les évènements. Enfin, ça devrait. Mais, apparemment, de nos jours, un ministre de l’intérieur, c’est surtout le show runner du western gouvernemental. 

MANIF OU PAS MANIF?

1er mai 19

« Evidemment, me dit Lambda au téléphone, il faudrait aller manifester, ne serait-ce que pour vérifier si, dans la Macronie de la loi anti-casseurs, nous sommes toujours en démocratie. Mais bon, à mon âge, est-ce que j’ai envie de me faire enfermer dans une nasse par des CRS et de respirer du gaz lacrymogène ? J’hésite… Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? »

L’ALLOCUTION MACRON ET LA STRATEGIE DE L’ENTONNOIR

26 avril 19

Photo Ludovic Marin. AFP

Lambda a été le seul de tous mes potes à la regarder et il l’a trouvée très décevante.

La seule chose qui lui paraît admirable là-dedans, c’est la façon d’englouglouter une révolte populaire dans l’entonnoir du grand débat pour n’en faire ressortir que ce petit filet d’eau libéral. Ca va peut-être quand même déborder un jour mais ça reste du grand art politicien.

Quant à la politique, les vrais enjeux de ce début de 21ième siècle, rien. Ces gens-là sont jeunes mais ils sont vieux.

Quitte à s’inspirer d’une pensée du siècle dernier, Lambda trouve beaucoup plus revigorante celle des Pinçon-Charlot. Il n’est pas loin de partager le coup de gueule anticapitaliste de nos deux chers retraités bourdieusiens.

RISE FOR THE CLIMATE

Samedi 8 septembre 2018

La marche organisée dans le monde entier par 350.org et à laquelle une initiative lancée par un anonyme à la suite de la démission de Nicolas Hulot a donné en France un retentissement beaucoup plus grand qu’annoncé : une foule dense et nombreuse qui surprend le Citoyen Lambda. D’après lui, plus proche des 50 000 estimé par les organisateurs que des 12 000 dénombrés par la police. Le simple rassemblement vers l’Hôtel de Ville s’est transformé en marche vers la République.

Il est enchanté par la diversité et l’inventivité des slogans :

            Arrête de niquer ta mer

             Les capitalistes vivent au-dessus de nos moyens

Et plein d’autres qu’il a oubliés.

Celui qu’il a trouvé le plus beau : « Et si nous battions des records de chaleur humaine ? », était brandi par une jolie brune à la peau sombre juchée sur les épaules de son copain, comme la fameuse égérie révolutionnaire de 68 photographiée par Gilles Caron. Lambda ne parvient à en prendre à l’arrachée qu’une photo surex mais à côté de lui, un photographe professionnel fait beaucoup mieux : la fille se tourne vers lui obligeamment pour qu’il puisse la prendre et il la remercie d’un sourire.

L’image de ces petites filles juchées sur les épaules paternelles,  qui brandissaient fièrement à deux une banderole «Pensez à nous » ; mais, la lassitude venant, elles avaient appuyé la pancarte sur la tête de leurs pères, posé leurs mentons sur la pancarte et elles se chamaillaient un peu.

Beaucoup de ces slogans inventifs étaient écrits sur de simples pancartes en carton (comme celle de sa fille Graine-de-moutarde : « Marre de vos salades ! »). Mais très peu étaient repris par la foule, à part, dans le coin où ils ont décidé de marcher :

« Et un et deux et trois degrés
C’est un crime contre l’humanité ! »

scandé par un petit groupe plus organisé que les autres.

En arrivant à la manif, Lambda s’est dit : « Bizarre, une manif presque silencieuse ». Ce silence des voix contrastait avec le vacarme joyeux des slogans écrits sur les pancartes en carton. Toute cette énergie individuelles manquait de micros, d’amplis, de caisse de résonance, d’organisation collective. La multiplicité et la diversité de ces dizaines de milliers de désirs pressants d’agir et de se faire entendre, comment peut-elle se fédérer, s’organiser, parler d’une seule voix ?

Comment tous crier assez fort un message assez unanime pour obliger les décideurs à l’entendre, alors même qu’ils se bouchent les oreilles ?

Comment réussir à casser les oreilles de ceux qui n’ont aucune envie d’entendre ?

Cela aussi, c’est l’enjeu de l’année 2018.