Après leur première vraie crise, c’est
Alex qui reprend contact.
Il ne supporte pas de ne plus aller au
cinéma avec Sarah (surtout quand, malgré le froid, elle met une petite jupe
noire aussi ajustée) et il s’est montré prêt, pour une fois, à toutes les
concessions nécessaires.
Notamment à aller voir La Belle époque, même s’il n’est pas en général très emballé par les films français, dont le scénario ne lui paraît jamais pleinement abouti. Il consent à aller voir celui-ci parce qu’il a conservé un bon souvenir deM et Mme Adelman. Il accepte aussi de retourner une deuxième fois dans la même salle, et ils se retrouvent à Odéon. Alors qu’il s’attendait à être déçu, il est emballé. Carrément emballé, il doit le reconnaître.
Pourquoi avoir pris autant d’incontestable plaisir à cette comédie ?
Alex et Sarah en sont désormais au stade du rituel : elle choisit le film et lui le cinéma. Il l’emmène redécouvrir le complexe de la Grande Bibliothèque, qui est en train de muter en un vaste espace de consommation, pop-corn, affiches, bouquins, mangas, mugs et autres produits dérivés dont le film n’est peut-être plus que le prétexte.
En sortant, ils
jubilent : ils se disent que c’est peut-être le meilleur film de
Christophe Honoré qu’ils aient vu chacun de son côté. Peut-être aussi le
meilleur qu’ils aient vu ensemble depuis la rentrée ?
Alex et Sarah, sans se concerter, ne se sont pas revus de la semaine. Ils se sont approchés si près, en passant la journée entière de dimanche dernier dans les bras l’un de l’autre, qu’Alex a décidé de prendre un peu de recul. Ne serait-ce que pour prolonger un peu les premiers temps de l’amour, dont il sait par expérience qu’ils sont délicieux mais éphémères. Et du côté de Sarah ? Il ne sait pas. Il espère la même chose. Peut-être est-ce bien de la laisser cogiter dans son coin ?
Il a quand même appelé le samedi en début d’après-midi pour lui proposer d’aller le soir voir le Desplechin. Il ne détesterait pas s’embarquer dans une histoire d’amour exclusivement cinéphilique, où ils ne se verraient qu’une fois par semaine et se raconteraient leurs vies à travers des films.
Elle a dit oui. Qu’elle était libre, pour le Desplechin. Peut-être une légère ombre d’hésitation ? Lui en parler ?
En tout cas, elle tient à se faire pardonner son écart de la semaine précédente : elle est apprêtée jusqu’au bout des cils et pile poil à l’heure. Encore une fois, il oublie de le lui dire. C’est lui qui arrive vingt-cinq minutes en retard, dérouté par des travaux.
Elle bondit sur l’occasion : « Ce n’est pas grave, viens, on a juste le temps de foncer à Montparnasse voir le dernier Klapisch. ». Elle ajoute : « La prochaine fois, tu prendras le RER ? Tu sais courir ? ».
Dans la salle, pendant la projection, de
frais éclats de rires. Et, à la fin, rien que des cheveux gris ou blancs (il
est possible que nous soyons les plus jeunes).
Une comédie américaine made in Argentina, finement
dialoguée sur les errements d’un couple au long cours, avec un soupçon
d’amertume mais aussi la bonne dose de sucre, parce que, même à cinquante ans,
on reste sentimental comme à vingt.
Sorte de « When Harry meets Sally »
pour quinquas.
Marcos et Ana se disent toujours la
vérité. C’est ce qui les amène parfois à faire n’importe quoi.
« Le mystère des kamikazes du Stade de France« . Sous ce titre de thriller, France TV info se demande pourquoi les trois terroristes qui ont opéré au Stade de France n’ont pas provoqué de carnage, en se faisant exploser un peu plus tôt, dans la file d’attente avant le match, ou un peu plus tard, à la sortie des spectateurs ? Sans doute n’ont-ils pas réussi à pénétrer dans le stade, mais le mystère de leur « logique incompréhensible » est qu’ils se sont faits exploser pendant le match, dans des rues alors quasi désertées. Le premier a tué un malheureux passant mais les deux autres n’ont réussi à supprimer qu’eux-mêmes, presque comme s’il s’agissait d’un suicide à la ceinture explosive.
Pour lever ce mystère, France TV info interroge un «ancien spécialiste du renseignement », qui propose la réponse suivante : « Pour l’instant, l’hypothèse la plus probable, c’est qu’ils avaient pour consigne de taper à 21h20 pour se coordonner avec le Bataclan. Ils n’étaient peut-être pas bien malins, ils n’avaient pas réussi à se positionner là où ils auraient dû, ils se sont fait péter à l’heure où on leur a dit… »
Et si le véritable secret de ce lamentable thriller se trouvait dans une vieille comédie de 1942 ?
Le comédien grimé en führer ordonne aux deux nazis : « Jump ! » et ceux-ci aussitôt s’exécutent, à tous les sens du terme (non sans l’avoir salué : « Heil Hitler »). Le génie de Lubitsch dans To be or not to be est d’exprimer en un gag les limites fondamentales du fanatisme, nazi hier, islamiste aujourd’hui, lorsqu’il s’agit pour un être humain de sauter dans le vide sans fond de la bêtise en se réduisant lui-même à n’être plus qu’un type « pas bien malin » qui « se fait péter à l’heure où on lui a dit »…