Cette bande annonce est un peu trop positive thinking. Les trois premiers épisodes de la série m’ont frappé surtout par leur côté anxiogène. La vie quotidienne d’Alex, obligée de faire des ménages pour élever seule sa fille et échapper à son mari violent, mais aussi se libérer de sa propre propension à retomber dans le cercle infernal d’une relation toxique, devient plus stressante qu’un film catastrophe : la jeune femme est obligée de déployer pour s’en sortir seulement les mêmes qualités qu’il en a fallu depuis cent ans aux autres héros de série pour sauver le monde ou gouverner toutes les Espagnes. Ce faisant, mine de rien, la série (et sûrement le témoignage dont elle est inspirée) explore des aspects peu reluisants de la société américaine. Alex réussira sans doute à s’en sortir avec sa petite Maddy mais elle l’aura bien méritée !
Quinze jours qu’ils ne se sont pas vus, depuis le Klapisch. Alex en déplacement, Sarah attendant peut-être qu’il l’appelle. Ce qu’il fait, à plusieurs reprises, parce que même un type aussi prudent que lui ne va quand même pas s’interdire de téléphoner quand il en a un peu trop envie.
Ils se retrouvent une troisième fois au ciné. Et, pour la troisième fois, ils ont renoncé à aller voir le Desplechin. Avec une timidité qu’il ne lui connaissait pas, Sarah lui a avoué, qu’elle était fan de la série « Downton Abbey » et que…
Dans cette maison, nous avons tous (enfants aussi bien que parents, même ceux qui avaient autre chose à faire le jeudi soir 😉) été accros à cette série diffusée sur Arte du documentariste Jean-Xavier de Lestrade (celui-ci, autre projet passionnant, étant en train d’achever une mini-série inspirée de Laëtitia, le roman-enquête de Jablonka sur l’affaire Laëtitia Perrais).
Même son de cloche dans la cantine de mon lycée.
Claire Lansel, une journaliste politique, est engagée par une entreprise de lobbyingqui travaille essentiellement pour Saskia : ce géant de l’agrochimie cherche à commercialiser un nouveau pesticide, tout en échappant au procès que tente de lui intenter un agriculteur victime d’une leucémie. Claire, au rebours de ses convictions, va devoir s’attaquer à un député intègre, qui veut faire interdire les pesticides, et à son entourage. La situation se tend encore lorsqu’un des dirigeants de Saskia est retrouvé noyé dans la Seine…
Sujet évidemment d’actualité : les
turpitudes fictives de Saskia rappelant celles bien réelles de Monsanto.
C’est ce que j’ai trouvé le plus intéressant dans cette série : les mécanismes du lobbying et de l’action politique, qui m’ont paru décrits de façon crédible (j’en entends parler aussi ces derniers jours avec l’enquête de Nathaniel Rich, qui sera elle aussi, d’après ce que je comprends, adaptée à l’écran).
Il y a dans cette première saison de Jeux d’influence d’autres ficelles narratives un peu plus grosses : par exemple, la journaliste violée par le ministre (et allez hop, un peu de me-too), l’attaché parlementaire propre sur lui mais venant d’une cité révoltée en 2005 (et allez hop, un peu de crise des banlieues) etc… Les méchants sont vraiment des méchants de cinéma : les lobbyistes sont prêts à enlever et assassiner comme de vulgaires maffieux. Je me demande pourtant si l’aspect le plus inquiétant du lobbying industriel n’est sa capacité à utiliser les moyens les plus légaux pour faire pression sur les dirigeants, les milieux scientifiques et les opinions publiques, bref de détourner à son profit exclusif les mécanismes mêmes de la démocratie. Ces ficelles ajoutent évidemment de la tension dramatique, on suit les épisodes pour le suspense, mais, à mon sens, elles diluent un peu le propos, le faisant basculer dans un thriller politique plus efficace mais plus banal.
Cette réserve faite (les autres téléspectateurs autour de moi ne partageant d’ailleurs pas du tout mon avis), Jeux d’influence est une série ambitieuse et forte, qui montre que la télé française est tout à fait capable d’aborder de front l’actualité, pour peu qu’elle s’en donne les moyens. J’attends la deuxième saison avec impatience (comme la troisième de Baron Noir). Elle est bien tournée aussi (belle atmosphère grise).
Dernier atout, la qualité de l’interprétation, dominée par Alix Poisson, qui arrive parfaitement à faire saisir l’énergie et les doutes du personnage de la journaliste, et par Jean-François Sivadier, qui, en plus d’être un génial metteur en scène de théâtre, compose avec délectation les méchants les plus inquiétants des séries françaises (je me souviens encore de son regard dans Revenants).
C’est bien, beau travail, nécessaire.
Allez, au boulot pour la suite, en vous efforçant de nous rendre encore plus palpitants
et vivants les mécanismes même de la machine politique (comme a su si bien le
faire Schöller dans Exercice de l’Etat et Pommerat, au théâtre, dans La
fin de Louis) !
J’aime bien les jeunes énergumènes dans
son genre, dont l’actualité n’est déjà plus tout à fait celle des autres.
Alors que tous ses potes sont plongés
jusqu’au cou dans la dernière saison de Games
of Thrones, lui se délecte de Mad Men
avec plusieurs années de retard, ou plusieurs années d’avance sur sa classe d’âge.
Il écoute aussi en boucle le dernier titre
d’un jeune groupe de ma génération plein d’avenir :
« When the levee breaks » de Led
Zeppelin.
« Si
la pluie continue à tomber, la rambarde va s’écrouler
Et
si la rambarde s’écroule, j’aurai plus nulle part où aller».
Il trouve que cette chanson de 1971 est
l’une de celles qui lui parle avec le plus d’à propos des catastrophes à venir.
« He marches to the beat of his own drum »,
comme dirait de lui la mère de Sally à John Bonham.
Ceux qui marchent au rythme de leur propre
tambour, je crois que ce sont les seuls qui n’iront pas tout droit au désastre.