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ENFANTES DE LA PATRIE

Jeudi 27 juin 19

Avec le Bûcheron, nous avons regardé dimanche dernier France-Brésil à côté d’un vieil Américain que sa casquette et ses traits émaciés faisaient ressembler à Henry Miller. Il venait de débarquer de Californie pour les matches à élimination directe et s’était procuré des billets pour tous les tours suivants, afin d’assister à la compétition jusqu’à son inévitable dénouement : le quatrième triomphe de l’US Team.

Il n’avait pas l’air très impressionné par l’ambiance qui régnait dans le café, ni par le spectacle que lui proposaient les Bleues (on pouvait le comprendre). Même s’il nous a rappelé avec un sourire que la France avait été la seule à battre l’US Team cette année (évidemment, il s’agissait d’un match amical et le parfum de la compétition n’avait rien voir, surtout concernant l’US Team).

Comme ce fichu bar français paraissait ne pas avoir le wifi, il nous a demandé le chemin pour aller en voiture vers Reims assister le lendemain au triomphe de ses favorites sur l’Espagne et nous a donné rendez-vous pour les quarts de finale, qui serait sûrement un très beau match (même si l’on sentait que, dans son esprit, le résultat en était déjà joué).

Après son départ, Bûbûche m’a avoué qu’il avait dû résister à la tentation de l’envoyer sur l’autoroute de Rennes, plutôt que sur celle de Reims, histoire de lui compliquer un peu une Coupe du monde autrement beaucoup trop simple. La self-esteem de l’Us team, ce qu’on pourrait appeler la self-USteam, était apparemment aussi développée chez ses supporters que chez ses joueuse. C’était même, d’après le Bûcheron, notre principale chance de créer la surprise.

Demain soir, je déclare forfait ; je ne pourrai pas suivre le match avec mon pote pour cause de spritz amoureux. Mais, que ce soit la victoire de Valmie (oui, oui, au féminin) contre les tenantes du titre de noblesse ou la Bérézina face aux assauts irrésistibles des cosaques américaines, il m’a demandé d’avoir une pensée pour soutenir les Bleues dans leur tâche de Titanes.

Surtout qu’après la self US Team, il faudra encore se fader les Anglaises en demi-finale et les Allemandes en finale. Mais bon, conclut Bûbûche d’une voix bonhomme, il suffit d’y croire, et ne pas être trop sûres de soi !

Allons enfantes de la patrie !

FRANCE-COREE : DES DEBUTS TRES/ASSEZ REUSSIS

Samedi 8 juin 19

Sur le terrain, des débuts très réussis : quatre buts, de la densité athlétique, des mouvements collectifs.

Et dans le café, des débuts assez réussis : (presque) autant de monde que pour la demi-finale Barça-Liverpool (mais sûrement moins que pour le Turquie-France masculin de ce soir). Un public plus féminin, des familles peinturlurées, qui ont gentiment fredonné la Marseillaise, mais aussi quelques autres duos d’amateurs masculins de foot.

Le Bûcheron qui est très intuitif m’a dit aux alentours de la vingtième cinq minutes : «Attention, c’est le moment du signe!

-Pardon?

-Si Wendy Renard marque de la tête sur corner, je t’annonce que les Françaises seront championnes du monde !

-Ah bon, c’est comme ça que tu raisonnes, toi ?

-Oui. Regarde ! »

La géante a préféré remettre le ballon de la tête à sa camarade de la défense centrale, qui a marqué d’une superbe reprise de volée. Mais le but a finalement été refusé pour un hors-jeu d’une demi-chaussure. J’ai dit à Bûbûche : « Ah merde, elles ne seront pas championnes du monde alors? ».

Il a eu l’air dépité.

Quelques minutes après, comme pour s’excuser de son retard, Wendy Renard a marqué sur corner. Et une deuxième fois juste avant la mi-temps pour bien enfoncer le clou.

C’est toute la difficulté quand on est comme Bûcheron plongé dans le monde archaïque des signes : ils vous révèlent l’avenir mais ils sont quelquefois difficiles à interpréter.

Je lui ai dit qu’il ressemblait aux Grecs de l’Antiquité qui grimpaient la colline de Delphes pour interroger l’oracle d’Apollon Loxias : le dieu se débrouillait pour leur répondre de manière si énigmatique qu’il avait toujours raison même quand il avait tort.

A la mi-temps, j’ai fait lire au Bûcheron le bel article sur le foot féminin de  Yamina Benhamed Daho  dans Diacritik. Je lui ai évité de passer du temps sur les commentaires de l’Equipe, qui paraissent être le (dernier?) refuge des footix misogynes.

Avant notre départ, Grain-de-Moutarde, la fille cadette de Bûbûche nous avait déclaré qu’elle était « pour la plus stricte égalité entre les sexes également dans le domaine du sport ». « Par exemple, a-t-elle ajouté, moi, la coupe du monde de foot, je m’en bats les steaks autant pour les filles que pour les garçons ! ». Un point de vue qui ne manque pas de cohérence.

Elle a conclu : « Ca ne m’empêchera pas d’aller dans les cafés voir les demi-finales, pour le fun et pour boire de bonnes bières ! »

Une vraie fille d’aujourd’hui!

ELLES TOO?

Vendredi 7 juin 19

Le public français est-il prêt à s’enflammer pour les filles comme il s’est enflammé en juin dernier pour les garçons ? On sent que les media et le bizness sont sur les starting-blocks (même France Culture consacre une chronique, même Coca Cola y va de sa pub à l’arrière des bus). Cet évènement sportif peut prendre une dimension sociologique, à replacer dans la dynamique « Me Too » de l’égalité homme/femme.

Mais tout dépend de la réaction volatile du public : pour les hommes aussi, il n’a commencé à se passionner qu’à l’occasion du 8ième grandiose contre l’Argentine. Avant, les râleurs (dont moi) l’emportaient largement. Il n’y a que cette bûche de Bûcheron qui y croyait déjà.

Et la réaction du public dépend des performances de l’équipe : si elles se plantent, le bel édifice sociologique et commercial imaginaire s’écroule. « Ensemble pour écrire l’histoire », peut-être, mais, si elles ne trouvent pas les premiers mots, tout le monde va rapidement se désintéresser du scénario.

Intéressant : le Bûcheron et moi, nous avons décidé d’aller dans les mêmes cafés qu’en juin. Pour voir si ça prend pareil ou pas.