Lundi 27 mai 19
Notre collègue et ami, R., est venu donner aux élèves du professeur Normal une heure de grec « à la danoise ».
Tout le monde est sorti de la classe pour aller sous le préau, parce que les élèves allaient devoir se déplacer, ce qui, d’ordinaire, met le professeur français Normal mal à l’aise. R. devait leur faire réviser les pronoms personnels grecs (sujet a priori peu excitant). L’exercice était le suivant : il leur a distribué à chacun un petit papier, sur lequel étaient écrites au recto une forme et au verso son explication et sa traduction. Les élèves devaient circuler et s’interroger deux par deux. Quand ils avaient donné la bonne réponse, ils échangeaient le papier et trouvaient un nouveau partenaire de récitation. En 10 minutes, il s’agissait de revoir le plus possible de formes.
Ils se sont pris au jeu et ils se sont
bien amusés -avec les pronoms personnels grecs !
Et ils ont appris -les pronoms personnels
grecs !
Ils sont revenus dans la classe,
enchantés, et ils ont rapidement complété le tableau tous ensemble.
Presque tous enchantés. T., le meilleur élève du système français, avait quand même l’air un peu désorienté, mais il s’est prêté au jeu avec sa bonne grâce habituelle.
Ensuite ils ont tous discuté du sens de l’exercice :
-Chacun d’eux avait dû être actif.
-Pour ceux qui ne sont pas très forts en
morphologie, c’était moins stressant de ne pas être interrogés devant toute la
classe et par le professeur. Pour les élèves forts, c’était stimulant, à la
fois de trouver la bonne réponse mais aussi de la faire réviser, voire de l’expliquer
aux divers autres.
-Pour ceux qui ont du mal à rester assis
toute la journée sur une chaise, c’était agréable et tonique de pouvoir bouger.
Ensuite R. a proposé un deuxième exercice
de révision sur l’histoire grecque, un peu plus complexe, mais où le principe
restait le même : une phase d’activité, où les élèves s’échangent les
réponses qu’ils connaissent, sous la forme d’une enquête ludique, et une phase
de vérification commune avec le professeur.
D’accord.
Mais il s’agissait d’un petit groupe d’une quinzaine de très bons élèves. Comment on fait, là où ce serait vraiment utile, dans une classe de français hétérogène à 36 élèves ? Or, l’un des plus sûrs résultats de la réforme du lycée, c’est que, désormais, toutes les classes seront à 36. Normal, avec son mauvais esprit, se demande même si elle n’est pas faite pour.
La réforme du lycée : se proposer des
objectifs progressistes, à la danoise, mais en réduisant les moyens d’y
parvenir, à la française.
Prétendre vouloir un enseignement individualisé, respectueux de la personne de l’élève, comme dans les pays scandinaves, tout en peinant à financer un enseignement de masse : n’est-e pas la contradiction fondamentale de l’Education Nationale française, non pas depuis cette réforme mais depuis cinquante ans?