« ICI, A LA PITIE-SALPETRIERE, ON A ATTAQUE LE CERVEAU D’UN MINISTRE »

Jeudi 2 mai 19

Le citoyen Lambda se demande si ce pauvre M. Castaner, en qui il avait jusque là toute confiance, n’est pas la principale victime de ce 1er mai 2019 sous haute tension.

Le ministre de l’intérieur, sous le coup d’une émotions sincère, a tweeté mercredi à 21h 04 : « Ici à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger. Indéfectible soutien à nos forces de l’ordre : elles sont la fierté de la République. ».

L’AFP mentionne même une attaque « par des dizaines de militants anticapitalistes d’ultragauche black blocs» (n’en jetez plus ).

Aussitôt certains médias comme France Info en rajoutent dans la dramatisation en illustrant la prétendue attaque de l’hôpital par une photo de deux casseurs masqués…

qui se révèlera prise devant un commissariat (bravo l’éthique journalistique !).

Et notre naïf citoyen Lambda de croire son ministre : « Ces blacks blocs, se dit-il en se couchant, attaquer un hôpital, mais il faut vraiment être des cons ! »

Mais c’est lui, mon Lambda, qui découvre dès le lendemain qu’il a été un con de croire à cette fake news ministérielle. Plusieurs vidéos révèlent que « l’attaque » était plutôt le fait de manifestants affolés qui cherchaient à échapper à des lacrymogènes lancés par la police.


Image extraite de la vidéo filmée le 1er Mai depuis le service de réa de la Pitié-Salpêtrière et diffusée sur Facebook par un membre de l’équipe.
Captures vidéo Nejeh Ben Farhat

Lambda jure un peu tard qu’on ne l’y prendra plus : « Le soir où M. Castaner nous annoncera le résultat d’une élection, me demande-t-il, ce sera peut-être plus prudent d’attendre le lendemain matin pour aller voir les vrais résultats sur facebook ? »

Les adversaires politiques s’en donnent toute la journée à cœur joie. En tant qu’amateur de beau style, Lambda goûte particulièrement la saillie du porte-parole des députés communistes, Sébastien Jumel : «M. Castaner se sert de la parole ministérielle comme d’un LBD. Mais par Pitié-Salpétrière que le ministre garde son sang-froid, tienne des propos mesurés sur des infos circonstanciées et arrête de dégoupiller des grenades verbales d’enfumage politique. ». Rien de tel qu’une métaphore filée pour dégonfler un ballon de baudruche ?

Mais l’affaire paraît à mon Lambda assez symptomatique du climat actuel et d’une certaine façon de gouverner : un ministre qui pense que sa fonction consiste à dramatiser à outrance le conflit social (la République contre les blacks blocs), à gazer la CGT (le secrétaire général de la CGT, qui nous dit que ce n’est pas un black bloc ?), à ne pas laisser d’échappatoire aux manifestants pris dans la nasse (et si jamais parmi eux il y avait des blacks blocs ?), et enfin à exprimer ses émotions à chaud en dégainant le tweet plus vite que son ombre (vite, shootons les blacks blocs). Lambda déteste les blacks blocs mais il se demande s’ils ne sont pas en train de réussir leur coup le plus fumant : attaquer le cerveau du ministre de l’intérieur ?

Evidemment, cet usage inconsidéré du 140 signes revient dans la figure du représentant de la République, puisque, désormais, les évènements sont filmés en direct, postés sur d’autres réseaux sociaux, et qu’on ne peut plus tout à fait raconter n’importe quoi. Facebook pour démentir la parole ministérielle, me demande Lambda, ce n’est pas le monde à l’envers, ça ?

Mon pote ne sait plus quel homme d’état avait fulminé en son temps : « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule !» (moi je crois que c’est Chevènement mais je ne suis pas très sûr.). M. Castaner ne devrait-il pas méditer sur les applications nouvelles à donner à cette formule choc ? Un ministre de l’intérieur, éructe Lambda, ça ferme sa gueule et son smartphone tant que ça n’est pas sûr de son fait. Parce qu’un ministre de l’intérieur, ça doit plus qu’un autre garder son sang-froid et être le garant des informations officielles sur les évènements. Enfin, ça devrait. Mais, apparemment, de nos jours, un ministre de l’intérieur, c’est surtout le show runner du western gouvernemental.