DRUNK

Lundi 14 juin 21

Ces quatre hommes ne décident pas seulement de se mettre à boire pour obtenir le taux d’alcoolémie qui leur permettra de supporter leur ennui, ou de dépasser leurs inhibitions. Ils cherchent un moyen (pourquoi pas celui-là, plus dangereux mais plus rapide qu’un autre ?) de redonner de l’intensité à leur vie, une fois atteint les quarante ans, les cinquante, les soixante, le toboggan lent.

Le mari et la femme se retrouvent pour un week-end de randonnée au bord d’un lac. Ils se retrouvent sous une tente à faire l’amour. En se retrouvant, ils découvrent à quel point ils se sont manqués.

Il accepte de danser pour la première fois depuis des années. Il ne danse pas seulement pour fêter la réussite de ses élèves réunis autour de lui, mais pour dire adieu à son ami disparu, et pour dire bonjour à lui-même, qui était disparu et qui peut être retrouvé. Pour montrer qu’il peut être de nouveau gracieusement, pathétiquement aussi, mais souverainement, là. Cette danse ne peut pas s’arrêter court, par un banal salut. Elle ne peut que s’achever dans un saut de l’ange, qui serait un saut de l’homme.

En découvrant cette séquence finale, tes poils se hérissent, tu te dis que tu vois là l’un des plus beaux moments de cinéma de toute l’année 2020 ou 21 (tout s’est arrêté). Ou de l’histoire? Et qu’elle dit quelque chose d’évident et d’encore trouble sur ton état d’esprit, sur celui de beaucoup d’Européens, autour de toi. Ce comédien, Mads Mikkelsen, qui porte tout ça, qu’il ne pouvait pas encore savoir, sur ses épaules et qui le balance, est prodigieux.

Nous nous arrêtons ensuite dans un petit café-librairie au creux de la rue de l’Ecole de Médecine. Il fait doux. C’est le lieu et le moment idéal pour discuter de ce film de retrouvailles.

A retrouver cette scène, un an après, même émotion.