MID 90’s

Samedi 4 mai 19

La bande annonce m’avait donné de la curiosité pour ce film et je n’ai pas été déçu.

Le jeune Steevee (Sunny Suljic, impressionnant d’énergie spontanée et de finesse) doit avoir douze ou treize ans. Il est élevé par sa mère, femme seule, aimante mais maladroite. Il admire son grand frère mais celui-ci le traite avec violence. Alors il se cherche d’autres liens : il entre en contact avec quatre skateurs, vaguement marginaux. Il est prêt à tout pour être adopté par leur bande.

Ce qui m’a plu, c’est d’abord le style : le grain vintage de l’image, le mélange entre les plans d’ensemble (par exemple quand ils font du skate au milieu de la rue) et les très gros plans sur les visages. Il faut voir le monde d’un peu trop loin ou d’un peu trop près pour mieux refuser l’entre deux de l’indifférence. Une façon poétique de filmer le décor réaliste de l’adolescence américaine, d’en choper l’atmosphère, les aspirations trash et la mélancolie, qui m’a rappelé Gus Van Sant.

Mais le propos sur l’adolescence est différent : plus chaleureux, optimiste, moins vertigineux et moins malaisant. Bien sûr, il y a de la violence, dès le premier plan (surprenant) et jusqu’au dernier. Ce kid prend des coups. Quand ce ne sont pas les autres ou la vie qui les lui donne, c’est lui-même qui se les inflige. Comme s’il devait se donner la preuve de sa résistance.

Mais il y a aussi d’autres moments plus rêveurs. Les portraits des quatre ados sont dessinés à petites touches, et chacun d’entre eux devient attachant. Notamment Ray (joué par Na-Kel Smith, la deuxième révélation du film), une sorte de Basquiat du skate, empreint de sagesse, capable d’attention à l’autre. J’ai aimé la belle scène d’amitié, où Ray vient voir le petit Stevee, après que celui-ci se soit senti humilié par l’intervention de sa mère. Le grand lui parle, le prend au sérieux, et en même temps l’aide à relativiser en lui racontant l’histoire de leurs trois copains. Et puis il l’emmène faire du skate, tous les deux seuls. C’est simple et c’est beau.

Peut-être pas vu de personnage plus inspirant de « grand frère » depuis le Motorcycle Boy campé par un Mickey Rourke à ses débuts dans Rumble Fish de Coppola, au début des années 80, ça fait un bail (et de revoir cette bande annonce, tellement eighties, me fait ricaner aujourd’hui).

Jonah Hill donne sa chance à chacun des personnages (même au frère ainé) dans les scènes finales. Finalement (c’est la différence avec Van Sant ?), les personnages se comprennent. Il y a de la chaleur humaine.

Jonah Hill est un humaniste. Malgré cette tare, c’est aussi un cinéaste.

Difficile de se représenter que l’auteur d’un tel film soit l’acteur comique et le second rôle grassouillet et délirant de The Wolf of Wall Street. Réjouissante surprise (un interprète se servant de sa notoriété commerciale pour tourner un vrai film d’auteur) qui rappelle le miraculeux Lost River, de Ryan Gosling.

De quoi garder confiance dans le système du cinéma américain, puisqu’il permet ce genre de vases communicants ?

Mid 90’s, c’est aussi une BO formidable.