Jeudi 23 mai 19
Deux amis d’enfance, nés au temps où les pattes d’eph des pantalons commençaient à rétrécir mais où les convictions restaient fortes.
Les parents de l’Un se sont toujours fait un point d’honneur de ne jamais avoir la télé pour pouvoir se consacrer, eux et leur rejeton, à d’autres activités intellectuellement plus saines. Les parents de l’Autre étaient là-dessus plus laxistes. L’Un était toujours fourré chez l’Autre pour se gaver du fruit pédagogiquement défendu.
Aujourd’hui l’Un travaille pour la télévision ; il est monteur d’émissions de télé-réalité merdiques : il continue à croquer dans le fruit défendu, même si celui-ci est blet.
L’Autre est prof d’histoire et la seule date mémorable qu’il a oubliée est celle de la dernière fois où il a allumé sa télé. Ayant découvert depuis son enfance d’autres nourritures plus consistantes, il trouverait absurde l’idée de mordre dans un fruit qui ne lui a jamais été défendu.
En écoutant A. me raconter cette anecdote, je me souviens de ce passage de Caro Diario de Nanni Moretti, où le prof d’université, qui a toujours méprisé la télévision, découvre les soap opera et invente les moyens les plus farfelus de découvrir l’intrigue des épisodes suivants, alors même qu’il est en excursion devant le panorama sublime des Iles Eoliennes.
Je me souviens aussi que la prohibition de l’alcool aux Etats-Unis a eu pour seul résultat tangible le développement de la Maffia. Comme les autres prohibitions actuelles.