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Les deux Aphrodites

C’est dans le livre XXXVI de son Histoire Naturelle (paragraphes 20 à 24), consacré aux pierres, et au marbre dont se servent les sculpteurs, que Pline évoque la création de la statue la plus célèbre de l’Antiquité. Il y raconte l’anecdote des deux versions du chef-d’oeuvre :

« Ante omnia est non solum Praxitelis, verum in toto orbe terrarum Venus, quam ut viderent, multi navigaverunt Cnidum. Duas fecerat simulque vendebat, alteram velata specie, quam ob id pratulerunt, quorum condicio erat, Coi, cum eodem pretio detulisset, severum id ac pudicum arbitrantes; rejectam Cnidii emerunt, inmensa differentia famae. (…) Illo enim signo Praxiteles nobilitavit Cnidum. »

« Devant toutes les oeuvres, non seulement de Praxitèle mais de la terre entière, se trouve la Vénus que beaucoup ont traversé la mer jusqu’à Cnide pour admirer. Il en avait fait deux et il les mit en vente en même temps. Les formes de l’une étaient voilées; c’est pour cette raison que la préférèrent ceux qui lui avaient passé commande, les envoyés de Cos. Elle coûtait le même prix, mais ils firent le choix de l’austérité et de la pudeur. Les Cnidiens achetèrent la négligée. Immense différence de réputation (…) Par cette seule statue, en effet, Praxitélès fit la gloire de Cnide. « 

Ce qui m’a passionné ici, c’est de constater, que, dès sa conception, cette statue était si problématique qu’elle a donné lieu à deux versions différentes et même contradictoires. Mais la postérité artistique (« fama », la réputation, et « nobilitavit » : rendit illustre) donne raison à la statue immorale, à celle qui ne respecte pas les impératifs d’austérité et de pudeur que l’on réclame aux femmes réelles.

(à suivre)