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Christian et Soufiane

En ces jours de trouble, où je m’efforce tant bien que mal de rester intelligent et tolérant, malgré ma rancœur devant l’usage lamentable que les hommes font de leur foi, je découvre grâce à mon ami Denis Marquet, deux textes de croyants : le testament de frère Christian, l’un des moines assassinés de Tibhirine, et la lecture musulmane qu’en propose Soufiane Zitouni. Deux textes profonds, beaux aussi par le dialogue qui s’établit entre leurs auteurs à travers la mort.

Christian écrit : « J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. » Et cette phrase me touche parce qu’elle me ramène à mon irrésistible tendance depuis vendredi à céder aux jugements à l’emporte pièce, à la rage, à la violence verbale.

Et Soufiane médite sur le verset 32 de la sourate « La table », qui dit ceci : « Voilà pourquoi Nous avons édicté cette loi aux fils d’Israël : « Quiconque tue un être humain non convaincu de meurtre ou de sédition sur la Terre est considéré comme le meurtrier de l’Humanité. Quiconque sauve la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l’Humanité toute entière. » Et cette phrase me touche aussi, parce qu’elle est celle que j’ai besoin d’entendre depuis vendredi de la part d’un musulman, pour ne pas désespérer de sa tradition.

Ces deux textes me rappellent, à moi qui ne suis pas croyant et qui, dans ce moment, en viens à n’éprouver que du mépris pour la croyance, quelle qu’elle soit, que la spiritualité, la vraie, l’authentique, peut aussi être un moyen de ne pas céder à la bêtise, au ressentiment, à la haine, alors que tout nous invite à le faire. Christian et Soufiane explorent une étrange contrée culturelle que je ne fréquente pas mais qui me paraît un peu moins désolée de les voir y cheminer ensemble. Voilà pour moi les deux vrais « martyrs », au sens étymologique de « témoins », et non pas les malheureux analphabètes de vendredi soir qui ne savaient lire aucun livre, et surtout pas le Leur.

Alors merci Denis, pour le partage, merci Christian, merci Soufiane.