Lundi 15 mars 19
Un vieux fumeur nous montre de loin les grues du port du Havre et nous raconte le travail des dockers modernes qui déchargent en quelques heures 21 000 containers de monstres flottants de 400 mètres. Il se perd dans des détails techniques mais, en se perdant, il arrive presque à me faire ressentir ce monde ingrat qu’il a sûrement aimé.

Le soir nous regardons stupéfaits sur nos téléphones portables Notre-Dame en train de brûler.
J’ai spontanément envie de pleurer. Mais je me retiens : je ne suis pas sûr que je parviendrais à éteindre la cathédrale de mes larmes.
Pourtant, le président américain Donald Trump et moi nous refusons de nous résigner. Alors nous conseillons aux pompiers français de se bouger un peu les fesses et d’envoyer fissa les Canadairs ! Le président Trump et moi, nous sommes des pompiers tellement lamentables que, si l’on nous écoutait, on ferait s’écrouler l’ensemble de l’édifice que nous prétendions sauver. Le président Trump (et pas moi, heureusement) est censé être l’un des pompiers du monde en feu : il a des conseillers mais il ne les écoute jamais ; il préfère tweeter ses émotions, ça prend moins de temps.
Par bonheur, les pompiers français n’ont pas le temps de lire les tweets du président du monde ni les miens. Ils préfèrent analyser la situation. La tête froide, ils concluent que l’inestimable toiture n’est pas sauvable. Une dizaine rentre à l’intérieur, où personne ne les voit, ni Trump ni moi ni les autres cons dans notre genre. Ni même les badauds. Les soldats du feu luttent pour faire baisser la température et sauver les œuvres d’art. Puis il paraît qu’un drone articulé de 500 kilos prend le relais. Je ne sais pas à quoi ressemble cette chose mais je me dis que ce Quasimodo de métal s’agitant dans la fournaise à notre place pour sauver des reliques aurait peut-être fait rêver Victor Hugo.