Errant dans le métro de la foule ordinaire
Le vrai poète sait où se situe sa quête
Il ne doit pas regarder avec les yeux de l’esthète
Qui découpe dans le réel de ses ciseaux à bouts pointus
Le détour glamour des rares
A être admis au panthéon papier glacé
De la Beauté avec un grand B.
Non, au contraire, le poète doit accepter tous les autres
En demandant simplement à chacun
Toi
Où se niche
Ce fragment de beauté
Que tu portes parfois si bien cachée que toi-même tu l’ignores
Je voudrais pouvoir le trouver
Pour te le donner
En te le disant .
Ce tout de la beauté
Est parfois presque rien
Un b minuscule et plein de petites lettres éparpillées
Il faut les saisir une à une dans le tamis
Puis les sertir
En un bref bijou de mots
En voici deux pour aujourd’hui
Là-bas, sur le quai en face, la ligne pure d’un front blanc
Entre les cheveux filasses et les yeux charbonneux
D’une pouffette lasse
Ici, dans mon wagon, la fugace embellie d’un sourire de reconnaissance
Devant le geste qui s’efface
Pour vous laisser traverser la nasse
Des corps comprimés par l’abrutissement
Mais voilà, ce presque rien suffit souvent
A la métamorphose de l’ennoblissement
Ce regard de collecteur indulgent
Se posant la seule question qui vaille et glanant
Des épis de réponse auprès de ses contemporains
C’est ma propre part de beauté
Celle de l’anonyme écrivain
Qui n’est poète que par instants
Une ou deux minutes par jour à peine
Quand tout va bien
Quand il ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas .
Oh, mon incurable maladie de Paterson
Qu’elle métastase jusqu’à me ravager
Me retourner l’esprit comme un vieux gant
Sur de la peau plus neuve
Et plus sensible !