Lundi 16 mars 20
Mon ami, le professeur Normal, est vraiment un légaliste. En ce premier jour sans école, il s’est résolu à suivre scrupuleusement les indications de la Rectrice et à utiliser l’Espace Numérique de Travail comme moyen de communication avec ses élèves.
Impossible d’y accéder, mais bon, c’était couru d’avance : l’ENT a complètement planté devant l’afflux des élèves. Et aussi de leurs parents. Peut-être ces derniers font-ils la queue devant l’ENT comme devant les supermarchés (tant ils ont envie de savoir quels sont les devoirs à faire pour trouver vite de quoi s’occuper pendant le confinement)? Dans l’après-midi, les familles sont exclues et la connexion réservée aux professeurs. Ceux-ci ont alors tout le loisir d’y déposer leurs consignes mais, comme les élèves ne peuvent toujours pas y accéder, il n’y a que les profs qui soient au courant…
Lambda décide ensuite d’ouvrir l’une de ces fameuses classes virtuelles du CNED, sur lesquelles le ministère a tant communiqué. Il a complété l’inscription. Son micro et sa web cam activées, il attend tout seul dans la salle de classe virtuelle : là aussi, il voit les élèves rester à la porte et s’éloigner un à un (sans doute moins dépités que lui?)…
Ses propres enfants s’assemblent tandis qu’il s’acharne. « C’est quoi, tes trucs de vieux ? », voilà ce que lui disent leurs regards remplis de commisération. Ils finissent par lui créer des groupes Whatsapp pour remplacer l’ENT et par lui indiquer Discord, un site de dialogue entre gamers, qui suppléera aux défaillances du CNED.
Enfin une bonne nouvelle, sourit le professeur Normal : faire servir les outils des jeux vidéo à sauver l’école lui paraît un détournement délectable. Cette ironie du destin ne le dédommage-t-elle pas d’avoir perdu une journée à utiliser les moyens de communication officiels ?