Dimanche 24 janvier 21
Premier anniversaire d’un cas COVID en France. Le professeur Lescure, qui l’a accueilli à l’hôpital, est l’invité du journal de 13 heures sur France Inter : il se déclare contre ce troisième confinement dont le gouvernement laisse fuiter depuis quelques jours l’annonce. Selon lui, il est temps de ne plus subir l’épidémie, mais de l’affronter activement, de rouvrir les lieux de vie, les facs et les lieux culturels, en ciblant le confinement sur les vieux et les personnes à risque. Il est temps de prioriser les jeunes par rapport aux vieux. Il affirme qu’il faut être prêt à accepter qu’au-delà de 80 ans, la vie ne soit qu’un simple bonus, et ne pas fermer entièrement la société pour garantir à tout prix ce bonus (comme s’il était un droit?).
Le citoyen Lambda se souvient qu’il y a quelques mois, Macron, lors de sa première intervention avait balayé cette thèse d’un revers de manche, au nom de la solidarité entre les générations, dans un assentiment à peu près général.
Sommes-nous prêts à affronter les conséquences de ce changement de priorisation ?
En Europe, peut-être moins qu’ailleurs, parce que la société y est vieillissante. Mais le reste du monde commence à s’interroger. Ainsi, dans la suite de ce même journal qu’il écoute d’une oreille distraite, Lambda apprend qu’en Israël, le ministre de la Défense plaide pour que les vaccins ne soient plus délivrés en priorité aux personnes âgées mais aux jeunes et aux professeurs. L’objectif est que les lycéens puissent passer normalement leur examen de fin de cursus. Pas pour leur épanouissement personnel mais pour pouvoir ensuite être mobilisés dans l’armée, priorité nationale. Cette société en perpétuel état de guerre qu’est Israël aura sans doute moins de scrupule que la vieille Europe à inverser l’ordre des priorités vers la fraîcheur de la chair à canon. De même, Lambda a lu qu’en Chine on ne vaccinait pas d’abord les vieux et les à risque mais « les actifs ». La priorité pour les pragmatiques Chinois c’est l’économie. Si les vaccins ne se révèlent pas la solution miracle nous permettant à tous dans les trois mois de sortir magiquement de ces confinements à répétition pour recommencer exactement comme avant, chaque nation risque d’être amenée à se poser vraiment, pour la première fois peut-être, cette question de la priorité entre les jeunes et les vieux, les forts et les faibles, les actifs et les, les quoi, les passifs ? Si oui, chaque nation, ou chaque continent, le fera à sa manière, en révélant sa façon profonde de considérer la vie. Ce sera intéressant alors d’écouter le vacarme du monde. Oui, dans ce début de la décennie 2020, on se fait gravement chier mais on ne perd pas son temps.
Au point où nous en sommes tous parvenus, après un an de pandémie et de « stop and go », les vraies questions commencent à émerger. Les vrais dilemmes moraux commencent à se poser. Et cela ne fait sans doute que commencer, si l’on ne voit dans cette pandémie, comme Lambda, qu’un signe avant-coureur.
Il nous dit : « D’un point de vue personnel, je suis de quel côté ? J’approche à peine la soixantaine, je n’ai comme co-morbidité que mes compromissions encore discrètes avec le rhum arrangé, je peux donc me confronter à cette question philosophique en gardant une distance barrière d’un bon mètre cinquante. Mais à la catastrophe suivante, je risque bien de faire partie de la catégorie qui sera invitée à envisager sa survie comme un « simple bonus ». C’est à ce moment-là que ma réflexion deviendra vraiment ce qu’elle devrait toujours être : urgente, concernée ».