Belle chronique de « La première femme nue » par Cybèle Air sur le site « Saisons de culture ».
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Les articles et les commentaires consacrés à ce roman, si jamais il y en a
Le prix du roman historique Historia 2015
La première femme nue a obtenu ce prix pour l’année 2015. Il m’a été remis au Petit Palais ce lundi 21 septembre par Joëlle Chevé, la présidente d’un jury composé de quatre ou cinq historiens et romanciers chevronnés. Autre raison d’être flatté et de penser que ce prix peut être un déclic : parmi les autres lauréats, il y avait Milo Manara, pour sa BD sur Le Caravage.
Inutile de le chercher sur cette photo : il était resté à Vérone et il avait délégué son éditeur. Je me demande ce que Phrynê aurait pensé de son oeuvre…
(et merci à Mathilde pour le reportage photo sur l’évènement ;))
La sélection du Prix du Roman Historique
La Première femme nue dans la sélection du Prix du Roman Historique du Festival de Blois 2015.
Phrynê reçue avec les honneurs parmi les Clionautes…
… même si l’historien envoie, à juste titre, une anachronique tomate dans ma poire de romancier! 😉
Vous pouvez lire cet article approfondi ici.
La Première Femme nue : le sacre de la beauté
Belle critique de François Xavier sur le site du Salon Littéraire : elle me plaît beaucoup parce qu’il ne fait pas de ce roman un péplum désuet mais repère bien les motivations actuelles qui m’ont poussé à l’écrire. Un lecteur tonique et engagé!

La Grèce. Fortement d’actualité depuis plus d’un an mais, n’en déplaise aux tyrans du FMI et aux caciques du ministère de l’Education nationale, elle fut, est et sera toujours l’un des berceaux de l’humanité, notamment celui qui modifia en profondeur l’univers de l’Art. Il n’y a donc aucune raison pour la rayer des cadres. D’ailleurs, Christophe Bouquerel, sans en oublier sa langue et sa pensée, nous rappelle que c’est bien d’Athènes que jaillit à la face du monde la toute première femme représentée entièrement nue dans sa beauté première.
Jeune prostituée qui croisa le regard du sculpteur Praxitèle en quête d’un modèle pour son projet de statue de Lêtô : insolente et indolente, aux yeux crachant littéralement le feu, cette sauvageonne au tempérament de braise irradia le jeune maître en quête d’absolu. Seize ans à peine mais déjà intrigante, elle joua son va-tout crânement et, perfide, empoisonna l’âme de l’artiste au point qu’elle participera à son élévation : ces deux-là allèrent révolutionner et la cité et la sculpture !

Surnommée le crapaud (Phryné), sans doute à cause de sa peau bistre, cette scandaleuse hétaïre ne fut pas qu’un modèle sublime mais aussi une prêtresse et une muse politique, partageant le destin de l’un des premiers pères de la démocratie qui osa s’opposer aux Macédoniens. Une barbare venue de Perse sacrée la plus belle femme de la Grèce Antique ?
Il n’en fallait pas plus pour que Christophe Bouquerel se lance dans l’aventure, frappé par la grâce de son visage, après avoir contemplé la Tête Kaufmann, une copie de Praxitèle exposée au Louvre, mais aussi par le reflet qu’elle proposait entre cette société disparue et notre époque…
Un monde habité par le sacré, en quête permanente de beauté, conscient d’arriver à une croisée des chemins, et refusant d’affronter la réalité en continuant les banquets et les jeux, s’opposant à la modernité, qui n’est pas sans rappeler nos sociétés d’aujourd’hui déchirées par l’indécision et la perte totale de repères.
Cette femme romanesque par nature, moderne par essence, nous vient par la magie d’un livre-tout monumental qui relève à la fois de la fresque historique, de l’étude hagiographique, du conte de fées, du roman de guerre… Les superlatifs ne manqueront pas pour vous accompagner après sa lecture, et en parler à vos amis, les poussant irrémédiablement à oser s’attaquer à cette montagne de papier qui cache bien des trésors.
Papier bible et grand format pour enchâsser ces mille deux cents pages denses mais fluides, érudites mais vaporeuses grâce au style précis, posé et envoûtant que Christophe Bouquerel utilise pour peindre la vie de cette femme extraordinaire qui traversa les siècles au point que l’on retrouve la belle Phryné dans une toile de Gérôme ou des poèmes de Baudelaire.
Alors pourquoi tant de haine envers la Grèce ces temps-ci ? Peut-être, justement, par ce qu’elle se fiche du matériel et tente de demeurer sur l’écho de sa légende : beauté et divinité célébrées quoi qu’il en coûte… Or, si nos gouvernants falots et soumis en arrivent à imposer aux enseignants l’étude de l’islam obligatoire et celle du christianisme médiéval facultative, l’abandon des langues anciennes (alors que dès les premières pages il saute aux yeux ce que l’immense richesse de notre langue doit à la culture grecque !), il demeure un contre-pouvoir fulgurant et tout aussi puissant : l’édition. Ainsi il en va d’Actes Sud depuis des années, qui osent publier des livres importants, indispensables, piliers de notre Histoire qui se meurt de perdre sa mémoire et d’avoir honte de ce qu’elle a accompli. Ce livre-ci rentre donc de plain-pied dans la résistance au projet d’annihilation de notre civilisation par des bureaucrates asservi au Capital.
N’oublions jamais la phrase de l’historien tchèque Milan Hübl que l’on devrait méditer : « Pour liquider les peuples, on commence par leur enlever leur mémoire. On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Puis quelqu’un d’autre leur écrit d’autres livres, leur donne une autre culture, leur invente une autre histoire. Ensuite, le peuple commence lentement à oublier ce qu’il est, et ce qu’il était. Et le monde autour de lui l’oublie encore plus vite. »
Alors, plutôt que de lire un énième polar ou un navet sur la CIA et la guerre contre le terrorisme, cet été, bien calé dans votre hamac, transat, matelas bord de mer, amusez-vous tout autant en vous instruisant, régalez-vous de splendeurs, frissonnez en découvrant les légendes et les batailles d’antan, imaginez les joutes verbales dans le petit théâtre de Delphes ou les orgies à Corinthe ; bref, lisez intelligent, lisez vrai !
François Xavier
Christophe Bouquerel, La Première Femme nue, Actes Sud, mai 2015, 1200 p. – 27,00 euros
La première femme nue sur les montagnes suisses
Joëlle Brack
Edelweiss, juillet-août 2015
L »Aphrodite de Cnide a un nom, Phrynè, et une réputation étrange : elle est la première figure féminine entièrement nue de la statuaire grecque, révélée dans toute sa beauté au IVe siècle avant J.C. par le talent du sculpteur Praxitèle, également son amant. Lui comme tant d’autres, car la jeune captive réduite à la prostitution allait devenir la plus brillante et célèbre hétaïre d’Athènes, rivalisant de courage et d’esprit avec les citoyens les plus fameux de son temps, ses clients.
D’une plume foisonnante et remarquablement érudite, mais sans pédanterie, Christophe Bouquerel brosse un tableau époustouflant de la vie antique – intellectuelle ou misérable- et rend la parole à une femme lumineuse et étonnante qui se fit marbre pour résister à la misogynie et flamme pour inspirer son artiste.
Un extraordinaire «pavé» à dévorer au soleil!
Le sculpteur et la putain
Daphné Bétard
« Beaux Arts » magazine juillet 2015

« Il s’appelle Praxiteles. ll a 25 ans, presque dix de plus que moi. Si je ne suis qu’une petite putain anonyme, lui n’est qu’un jeune artiste prometteur. »
Certains auteurs sont trop souvent bridés par le poids de l’histoire et peinent à en tirer parti. Chez Christophe Bouquerel, c’est tout le contraire. L’auteur a puisé sans scrupules dans les sources de la Grèce antique pour écrire en toute liberté la relation amoureuse du sculpteur Praxitèle et de la courtisane Phrynè, beauté féminine sans égale qui lui aurait inspiré l’Aphrodite de Cnide, nu le plus célèbre de l’Antiquité. Du sexe, de la violence et des larmes, un brin de philosophie, de rites païens et quelques séances de pose dans l’atelier de l’artiste font le sel de cette fresque étourdissante vue à travers les yeux d’une jeune héroïne sulfureuse prête à tout pour maîtriser son destin.
D.B.
La Première Femme Nue par Christophe Bouquerel éd. Actes Sud • 1188 p 27 e
Pour la gloire de Phryné
Le « péplum » noble et sensuel d’une hétaïre de légende
Révélation. Christophe Bouquerel se glisse dans la peau de la légendaire courtisane. Pour notre plus grande délectation.
PAR JEAN-PAUL ENTHOVEN
« Le Point » 25 juin 2015
A ceux qui, ces jours-ci, se demandent si l’apprentissage du grec est encore de quelque utilité (pour l’intelligence, pour le plaisir…), conseillons sans tarder de passer quelques heures en compagnie de la mythique Phryné, dont M. Bouquerel, helléniste de formation, a fait l’héroïne d’un roman dément, démodé, lettré, atypique et passionnant.
Pourquoi Phryné? Parce que l’histoire de cette hétaïre du IVe siècle avant Jésus-Christ, légendaire entre toutes, quoique désormais inconnue du grand public, vaut tous les feuilletons, toutes les téléréalités, toutes les sagas sentimentales dont le spectacle contemporain est friand. On pourrait en faire, de chic, une héroïne de prime-time ou une créature hollywoodienne avec, à la clé, un oscar pour Angelina Jolie dans le rôle titre. Car Phryné était sublime. Incontestable aïeule de Nana et de la Dame aux camélias, elle hante l’imagination érotique de l’Occident. Et sa vie, pur appel de fiction, vaut que l’on s’y penche…
Née en Béotie, d’une stupéfiante beauté, joueuse de flûte à ses débuts, cette jeune fille devint – malgré son patronyme, Mnésarétè, signifiant en vieux grec : « celle qui se souvient de la vertu » – l’une des plus célèbres courtisanes de l’Attique. Ses prestations, dit-on, étaient hors de prix (Aristophane lui donna 10 ooo drachmes pour une seule nuit), ses amants – le sculpteur Praxitèle, l’avocat Hypéride, le peintre Apelle… – se recrutaient parmi les mâles les plus en vue. Et, à force d’étreintes, puis au fil de banquets par elle sensuellement mis en scène, elle amassa une fortune si considérable qu’elle proposa de faire reconstruire à ses frais les murailles de Thèbes détruites par Alexandre. Son prénom, Phrynè -littéralement « crapaud», sans doute à cause d’un teint jaunâtre qui ajoutait de l’étrangeté à son éclat -, devint un étendard plus glorieux que ceux de Solon ou de Périclès, et il résonne jusqu’à nous à travers les poèmes de Baudelaire ou de Rilke et la musique de Saint-Saens, qui lui consacra un opéra en 1893. Rien dans son destin ne surpasse pourtant le fait qu’elle servit de modèle à Praxitèle pour sa fameuse Aphrodite de Cnide, après avoir posé pour la Vénus anadyomène d’Apelle. Sur ces épisodes, si propices aux thèmes et versions-exercices scolaires du temps jadis, quasi disparus au début du XXe siècle-, M. Bouquerel brode, ourle, digresse, retouche. Il sait tout. Sa langue est classique et prend son temps (1200 pages). Ce romancier doit admirer la Marguerite Yourcenar des « Mémoires d’Hadrien ». Il y a pire.
Attirons cependant l’attention du lecteur pressé sur ce morceau de bravoure que fut le procès de Phryne : des jaloux lui reprochaient, en effet, de vouloir importer à Athènes le culte du dieu Isodaitès, variante thrace de Dionysos, et l’affaire menaçait de mal tourner quand son avocat-amant Hypéride, à court d’arguments, arracha devant l’Aréopage la tunique de Phrynè, dont les formes splendides lui valurent aussitôt l’acquittement. Cette scène a été immortalisée par des peintres délicatement kitsch comme Jean Léon Gérôme (photo) ou Gustave Boulanger. Nous disposons désormais de la version romancée de l’épisode.On peut bouder ce genre de « péplum ». On peut aussi y barboter pendant l’été, juste avant de plonger, heureux, dans l’éternelle mer Egée.
« La premiere femme nue », de Christophe Bouquerel
(Actes Sud, 1198 p., 27 e).
Bon, je pensais avoir écrit tout autre chose qu’un « péplum » mais après tout, pourquoi pas? 😉
La Première Femme Nue et la poudre de Lescampette
Je ne sais pas si c’est un nom propre ou un jeu de mot, mais j’adore le nom de cette librairie de Pau, Lescampette, d’une charmante et bondissante fantaisie. Je l’aime d’autant plus, évidemment, qu’on y a bien aimé (et pour de bonnes raisons) ma Première femme nue 😉
« Avec ses 1200 pages, c’est le pavé de l’été ! Et c’est un roman d’amour superbe qui nous emmène dans l’âge d’or de la Grèce antique, sur les pas du sculpteur Praxitèles et de sa maîtresse, amie et modèle Phryné, qui fut la prostituée la plus belle, la plus scandaleuse et la plus riche d’Athènes. Outre le propos passionnant sur l’art antique et le génie de Praxitèles et la sensualité torride du roman, on est surtout charmé par la personnalité de Phryné, d’une étonnante modernité (et qui peut parfois rappeler Grisélidis Réal) : une prostituée libre, militante, assumant sa sexualité et jouant de son pouvoir sur les hommes. »
La Première Femme Nue au Maroc
Compte-rendu dans « Aujourd’hui Maroc ». Najib Abdelhak, je trouve qu’il a sacrément bien lu le roman! J’ai été épaté par la liberté de ton, surtout dans ce contexte où un autre magazine du Maroc proposait, dans une réaction effrayante de bêtise aux provocations des Femen, de « brûler les homos ». Cette qualité de réflexion, cela m’a fait plaisir pour mon roman, mais cela m’a permis aussi d’avoir une autre image, plus moderne et plus fraternelle, du Maroc. Alors doublement merci à Najib!
Sexe, philosophie et féminisme dans la Grèce antique
Livre, «La première femme nue» de Christophe Bouquerel
Aujourdhui.ma | 2-06-2015 11:32:20
Par Najib Abdelhak
C’est un roman puissant, vous êtes avertis. Il est aussi long et fourni. Une bonne lecture estivale pour passer de nombreuses heures au soleil, un livre entre les mains. Mais ce n’est pas n’importe quel roman. C’est l’histoire de Phrynê, qui déjà à seize ans avait la beauté du diable. C’est là que le jeune Praxitélês pose pour la première fois les yeux sur elle. Nous sommes déjà devant deux figures de l’histoire antique.
Praxitélês n’est certes pas encore le plus grand artiste de son temps. Phrynê, de son côté, est encore loin de devenir l’hétaïre la plus scandaleuse d’Athènes. Mais le destin s’écrit déjà en filigrane. On devine ce qui se passera, avec de nombreuses situations incroyables, faisant de ce texte une fresque à la fois historique et humaine de grande facture. Bref, ni l’un ni l’autre ne devine encore qu’il suffira d’une idée, d’un geste pour déshabiller la belle et voilà les portes de la gloire et de la postérité ouvertes pour l’éternité. Et ce premier regard partagé entre une beauté divine et un artiste fou vont donner corps à l’une des histoires les plus fortes de l’antiquité.
Mais la force de ce roman est dans cette manière de donner dans la profusion des situations et des personnages. On passe d’un lieu à l’autre, toujours avec cette cohorte de figures. Et tout défile alors: banquets riches et débridés, étreintes physiques dans la chaleur de l’atelier du sculpteur, guerres ensanglantée et cadavres jonchant le sol, voyages incertains jusqu’aux confins de l’Orient, naissance de la philosophie grecque avec tout son poids sur la cité, les codes sociaux, la morale et le scepticisme, c’est un ouvrage dense où l’Histoire flirte avec les anecdotes les plus simples dans une feria de langage et de situations humaines.
Christophe Bouquerel écrit ici un roman d’une rare profondeur. Il s’inspire d’un personnage dont la légende a traversé les siècles pour tracer la trajectoire hors du commun d’une femme de chair et de passions et ayant une volonté d’affirmer qui elle est dans un monde régi par les hommes. Une femme qui a ouvert la voie à l’histoire de toutes les femmes qui veulent se prendre en main, inspirer des artistes, amorcer des changements et jouir de la beauté de la vie et du monde. «La première Femme nue» est une fresque historique d’une rare beauté. C’est aussi un roman d’initiation avec une héroïne subversive, qui fait fi des codes et de l’ordre établi et vole de ses propres ailes quitte à se les brûler.